Parcours immigrant. Vieillir où et avec qui ?

Dossier : Vieillir

Dossier : Vieillir

Parcours immigrant. Vieillir où et avec qui ?

Bouchra Taïbi

Selon le gouvernement du Canada, les personnes immigrantes constituent un groupe important de la population aînée. Selon le recensement de 2016, 30 % des 65 ans et plus sont des personnes nées à l’extérieur du Canada.

À titre comparatif, 21 % de la population globale est née dans un autre pays. Selon la direction de santé publique, la proportion d’immigrants parmi la population aînée est particulièrement marquée dans les grandes villes comme Montréal, où 44 % des personnes aînées sont nées ailleurs qu’au Canada.

Où ces personnes aînées souhaitent-elles vieillir ? C’est l’une des questions qui a été explorée dans le cadre de notre recherche doctorale en travail social [1]. Souhaitent-elles demeurer au Canada ou effectuer un retour au pays d’origine ? De façon résumée, c’est beaucoup plus qu’une question de lieu. À cet égard, leurs parcours migratoires permettent de saisir la complexité de cette question et de mieux comprendre leurs aspirations quant à savoir où elles souhaitent vieillir.

Pour les personnes aînées rencontrées, répondre à la question ne consiste pas simplement à choisir entre le pays de naissance et le Canada. Cela est par ailleurs d’autant plus vrai lorsque le parcours migratoire de la personne est jalonné de périodes de vie dans d’autres pays que celui où elle est née et le Canada. Et c’est le cas pour la grande majorité des personnes interviewées. Par exemple, certaines d’entre elles se sont réfugiées ou ont d’abord tenté de s’installer dans un autre pays avant d’arriver ici ; plusieurs ont étudié ou travaillé dans plus d’un pays, etc. En bref, les parcours migratoires des personnes aînées ne sont pas linéaires et, pour la plupart d’entre elles, ils sont marqués d’importantes pratiques de mobilité internationale.

De la continuité des réseaux

Ces pratiques de mobilité s’avèrent l’un des moyens utilisés pour maintenir des continuités, notamment avec leurs réseaux (familiaux et amicaux), leur histoire (familiale et sociale) et leur identité au sens de Laaroussi [2]. En effet, qu’il s’agisse de voyages à l’extérieur du Canada pour tisser des liens entre les enfants nés ici et la famille transnationale, être au chevet d’un proche malade et relayer la famille pour les soins à donner, assister à un mariage, célébrer une naissance, assister à des funérailles ou pour s’engager dans des projets de développement (ex. : implantation d’une école de médecine au pays d’origine), ces continuités ont joué un rôle fondamental tout au long du parcours des migrants. Si l’on regarde sur le plan du processus d’insertion des immigrants par exemple, Michèle Vatz Laaroussi souligne qu’elles permettent « la sauvegarde identitaire, psychologique et sociale de chacun ». Pour les personnes rencontrées, à l’âge de la vieillesse, ces continuités sont tout aussi importantes, et ce, même plusieurs années après avoir migré.

De fait, lorsque nous avons demandé aux personnes de notre étude où elles souhaitaient vieillir, leurs réponses allaient bien au-delà d’une question de lieu ou de pays. Leurs souhaits consistaient entre autres à « vieillir avec », c’est-à-dire là où elles pourront être entourées des personnes qui leur sont significatives. Elles expriment ainsi le souhait de pouvoir continuer de circuler librement entre le Canada et le(s) pays où vivent leurs proches et de pouvoir être visitées par ces derniers. Ainsi, la concrétisation de ce souhait est fortement tributaire des ressources (ex. : financières) dont elles disposent et des obstacles rencontrés (ex. : visa d’entrée refusé pour les proches de certains).


[1Bouchra Taïbi, Vieillir où ? Parcours migratoires et aspirations d’aînés nés à l’extérieur du Canada (thèse de doctorat en cours), UQAM, École de travail social.

[2Michèle Vatz Laaroussi, Les dynamiques d’intégration et d’inclusion des personnes et des familles immigrantes et réfugiées : une responsabilité partagée, Montréal, Chenelière éducation, 2019.

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