Le réseau FADOQ. 50 ans de lutte pour les droits des personnes aînées

Dossier : Vieillir

Dossier : Vieillir

Le réseau FADOQ. 50 ans de lutte pour les droits des personnes aînées

Gisèle Tassé-Goodman

Commençons par ce fait, irrévocable : le vieillissement de la population québécoise est l’un des plus marqués en Occident.

Les prévisions démographiques font sourciller. Selon l’Institut de la statistique du Québec, la province sera composée d’une personne aînée sur trois en 2066, et la proportion totale d’aîné·e·s dans la population passera de 18 à 28 % en l’espace de 50 ans. Ces chiffres, qui frappent l’imaginaire, illustrent l’urgence d’agir pour mettre en place des mesures qui favoriseront l’amélioration de la qualité de vie des personnes de 50 ans et plus.

Devant le caractère préoccupant de ces données, il faut se poser cette inévitable question : quel est notre degré de volonté, en tant que société, à mettre en place des solutions tangibles afin de relever les défis posés par le vieillissement accéléré de la population ?

C’est là qu’intervient le Réseau FADOQ. Fondée il y a 50 ans par Marie-Ange Bouchard, une travailleuse sociale soucieuse de briser l’isolement des personnes aînées, notre organisation compte aujourd’hui plus de 535 000 membres, ce qui en fait la plus importante organisation d’aîné·e·s à travers le Canada. Notre poids politique – près d’un électeur sur douze était membre de la FADOQ aux dernières élections provinciales – nous assure une écoute attentive de la part des décideurs et décideuses politiques. En témoignent d’ailleurs nos nombreuses présences en commissions parlementaires à Québec, à Ottawa et même à un groupe de travail aux Nations unies pour mettre à contribution notre expertise en matière de droits collectifs de la population aînée.

À ce chapitre, le Réseau FADOQ a amorcé la décennie 2020 à cheval entre l’inquiétude et l’espoir tant les enjeux nécessitant une attention accrue et immédiate sont importants.

Humaniser les soins de longue durée

C’est notamment le cas en ce qui concerne les soins de longue durée. Depuis dix ans, le Réseau FADOQ milite activement pour que les personnes hébergées en CHSLD puissent avoir le minimum décent. Nous avons exigé que les résidentes et résidents de ces milieux de vie aient le droit d’installer des caméras et puissent bénéficier d’un deuxième bain par semaine, ce qui est maintenant le cas. Notre organisation a aussi appuyé un recours collectif de 500 millions de dollars contre tous les CHSLD de la province, qui a été autorisé l’automne dernier par un juge de la Cour supérieure du Québec.

Malgré cela, trop de noirceur plane encore sur le système des soins de longue durée. Il y a des défaillances à tellement d’égards, défaillances qui sont lourdes de conséquences. Encore trop de personnes aînées sont victimes d’histoires d’horreur qui prennent racine dans la maltraitance organisationnelle. Les piètres conditions de vie imposées aux résidentes et résidents des CHSLD, le Réseau FADOQ les a dénoncées à coups d’entrevues, de communiqués, de mémoires et de conférences de presse.

Il est grand temps d’humaniser le système en soutenant avec plus de conviction les différents personnels professionnels pour que ceux-ci puissent offrir les soins adéquats. Il faut revoir l’organisation du travail, valoriser les professions de la santé, éliminer les heures supplémentaires obligatoires. La ministre des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, s’est engagée à investir 2,6 milliards de dollars afin de transformer certains CHSLD et garantir la création de 2 600 nouvelles places en maisons des aînés d’ici 2022. L’échéancier du gouvernement Legault est ambitieux. La mise en œuvre de ce projet devra donc l’être tout autant, car un constat désolant demeure : les listes d’attente se sont encore allongées dans la dernière année et plus de 3 000 personnes subissent les contrecoups du manque de places en CHSLD.

Les nouvelles places promises devront être déployées dans les milieux où les besoins sont les plus urgents. Et cet ajout de places devra rimer avec l’embauche rapide de personnel soignant qualifié. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les ratios soignants/patients devront être ajustés promptement pour améliorer le niveau de soins et de sécurité des personnes hébergées.

Freiner les aberrations économiques

Le Réseau FADOQ est grandement préoccupé par la précarité financière de nombreux aîné·e·s. Plusieurs peinent à assurer la couverture de leurs besoins de base. Cette préoccupation a poussé notre organisation à déposer, en 2016, un recours pour forcer Ottawa à faire appliquer la Loi canadienne sur la santé et à faire cesser la surfacturation, ce qui a mené à l’abolition des frais accessoires en santé au Québec. Nous avons aussi réussi à rendre automatique l’inscription au Supplément de revenu garanti et à faire bonifier le montant de cette prestation fédérale.

Des aberrations perdurent aussi dans les revenus à la retraite. Le Réseau FADOQ ne comprend pas pourquoi les fonds de pension ne sont pas mieux protégés. Nos gouvernements doivent réaliser que les drames vécus récemment par les personnes retraitées du Groupe Capitales Médias, de Sears, de MABE et de Singers s’inscrivent dans une triste continuité. Chaque fois, les travailleurs et les travailleuses ont été floué·e·s.

La solution pour éviter pareille aberration passe par une modification du cadre législatif actuel. Rapidement au cours de la prochaine décennie, les caisses de retraite devront être élevées au rang de créances prioritaires. Un régime d’assurance fonds de pension, du même type que celui en vigueur en Ontario, devra également être instauré au Québec. Il faut prioriser l’intérêt des travailleurs et des travailleuses et des retraité·e·s, comme notre organisation l’a fait en 2017 en talonnant Québec sur la nécessité de bonifier le Régime de rentes du Québec et de maintenir les premiers versements des prestations de la Sécurité de la vieillesse à 65 ans.

Soutenir les proches aidants : une nécessité

Le Réseau FADOQ milite aussi activement pour la mise en place de mesures répondant aux besoins réels des proches aidants. Pour ce faire, nous avons présenté en octobre dernier à la ministre Blais un mémoire mettant de l’avant 23 recommandations pour l’aiguiller dans la rédaction de la première politique nationale pour les proches aidants. Nous réclamons qu’une définition officielle du proche aidant soit au cœur de la politique qui doit être déposée prochainement par le gouvernement de François Legault. Et il est primordial qu’une telle définition octroie un statut juridique aux proches aidants.

Notre organisation est d’avis que ce statut est nécessaire afin que les proches aidants puissent obtenir certains droits qui faciliteront l’accomplissement de leurs tâches au quotidien. Parmi ces droits figure l’accès au dossier médical de la personne aidée. Il peut s’agir du dossier du médecin de famille tout autant que du dossier pharmacologique ou encore du dossier dentaire. Une accessibilité directe à ces documents, qui contiennent des informations essentielles sur l’état de santé de l’individu en situation de dépendance, faciliterait grandement la tâche des proches aidants.

Il reste bien des batailles à mener, donc, afin d’améliorer la qualité de vie des personnes aînées. Au moment de fêter son 50e anniversaire, notre organisation se présente comme le filet social de tous les aîné·e·s, un rempart essentiel contre l’isolement et l’abus. Le Réseau FADOQ est arrivé à pleine maturité, avec toute l’énergie nécessaire pour continuer de servir, défendre, informer et rassembler les personnes aînées.

Nous demandons aux différents paliers de gouvernement de faire preuve de volonté politique, de leadership et d’ingéniosité dans leurs engagements pour faire face aux défis du vieillissement de la population. C’est le temps d’agir. Ensemble.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème