Dossier : L’avortement, un droit

Regards croisés : génération 18 - 30 ans

Ne pas juger

par Mélissa Boily

Mélissa Boily

Je prends un moment pour écrire sur l’avortement, encore mal perçu et jugé dans une société pourtant de plus en plus permissive. A priori accessible, mais pas pour autant accepté… encore aussi controversé.

Déjà vingt ans…

Je n’ai pratiquement aucun souvenir lié à « l’arrêt Morgentaler ». À cette époque, je n’étais âgée que de sept ans et je n’avais pas réellement conscience de ce débat, de cette lutte qui se déployait autour du droit à l’avortement. Je ne découvrirai que plusieurs années plus tard l’importance que cela pouvait prendre : celle de devoir se battre pour obtenir un droit ; celui de choisir ou non une orientation qui change toute une vie.

Mon premier contact avec l’univers féministe fut au début des années 2000, plus précisément en 2003, lorsque je me suis jointe au Collectif pour le libre choix. Je n’avais jamais eu à me positionner face cette réalité, alors j’en suis venue à questionner mes propres valeurs. Je me suis rapidement reconnue dans ces convictions féministes et j’ai découvert qu’il est nécessaire d’assurer une vigilance pour que les femmes soient respectées et comprises, pour qu’elles cessent d’être remises en question dans la liberté que ce droit leur accorde et pour éviter que ce soit encore elles qui paient la note. Évidemment, il faut accepter de porter un discours qui peut confronter des gens, mais également à mon tour, accepter d’être confrontée et de défendre des valeurs qui ne sont pas toujours partagées.

Mes constats

Étant intervenante auprès des jeunes, j’en rencontre plusieurs quotidiennement. La plupart n’ont jamais eu à s’inquiéter de l’avortement, de son accessibilité ou de sa légalité. Leur réalité est bien loin de celle qui existait au temps où cette intervention était criminelle ou son accès très restreint. Sans vouloir leur causer préjudice, je trouve que la perception et l’opinion qu’ils ont de l’avortement est bien inquiétante. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour les sensibiliser, pour leur faire réaliser que certaines femmes ont déjà hypothéqué, et hypothèquent encore aujourd’hui, leur santé parce qu’on ne leur laisse pas la liberté de décision. Ils tiennent les femmes qui vivent une grossesse imprévue automatiquement responsable de leur situation, adoptant un discours dépourvu de nuance et d’empathie. Pourtant, aucune méthode contraceptive n’est efficace à 100 % et bien que plusieurs femmes prennent les moyens nécessaires pour éviter une grossesse, elles doivent porter le poids du jugement malgré tout.

Sensibiliser au non jugement

Comme féministes, notre rôle est de poursuivre les actions qui ont été entreprises, de dénoncer tout recul face à cette liberté de choix et à ce service de santé essentiel reconnu par la loi. Certaines personnes considèrent qu’une situation matérielle et financière confortable impose forcément de mener à terme une grossesse. Mais est-ce l’unique facteur sur lequel on doit arrêter sa décision ? Ne négligeons-nous pas trop souvent le désir ou le non désir d’enfanter ? Exige-t-on encore aujourd’hui de toutes les femmes d’assumer un rôle de mère alors qu’elles ne sont pas prêtes ou ne le veulent pas ? Faire fi de ces considérations est une atteinte à la santé et à l’intégrité des femmes.

Là-dessus, je lance un appel à l’ouverture aux autres et à l’empathie puisque de par notre condition de femme, notre rôle de conjoint ou d’amie, nous serons toujours concernées de près ou de loin par le libre choix. Pensons également à toutes celles, ailleurs, qui ne bénéficient pas de soins sécuritaires et qui y laisseront leur fertilité, leur santé ou encore bien pire, leur vie. Parce que nous savons que personne ne souhaite se retrouver volontairement dans cette situation, en ce sens, le respect demeure la meilleure attitude à privilégier.

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