Les nouveaux visages du fascisme

No 75 - été 2018

Enzo Traverso

Les nouveaux visages du fascisme

Jean-Pierre Couture

Enzo Traverso, Les nouveaux visages du fascisme, Paris, Textuel, 2017, 157 pages.

Considérez les quatre séries suivantes : abc bcd cde def. Y a-t-il un lien entre la première et la quatrième ? Selon Umberto Eco, qui fait usage de cette suite pour explorer la transmissibilité du fascisme à travers le temps, il n’est pas imprudent de répondre oui.

L’historien des idées Enzo Traverso reprend cette thèse de la transitivité du fascisme en s’intéressant aux formes que cette humeur prend au sein des nouvelles droites contemporaines. Au fil de ses entretiens avec Régis Meyran, Traverso met de l’avant le concept de « post-fascisme » pour nommer les astucieux remaniements que l’extrême droite opère à l’intérieur du catalogue de matériaux offerts par la tradition des anti-Lumières. « Le post-fascisme part d’une matrice antiféministe, négrophobe, antisémite, homophobe… et les droites radicales continuent de fédérer ces pulsions. » Or le génie du post-fascisme, c’est de savoir choisir ses habits et transformer les catégories d’hier en dispositifs remis au goût du jour. Ainsi passe-t-il des races aux cultures pour exprimer la même essentialisation de groupes nécessairement ennemis. Cette manœuvre montre toute l’étendue de « l’affinité entre l’islamophobie actuelle et l’antisémitisme des années 1930 ». Parmi les autres ingrédients à succès du post-fascisme, la « mue républicaine » compte parmi ceux qui ont particulièrement bien servi le Front national de Marine Le Pen dont Traverso examine aussi les contradictions.

Les populismes autoritaires ne mobilisent plus l’imagerie brutale des hordes brunes du 20e siècle, ce qui brouille le jugement des médias et nourrit la complaisance des centristes qui en viennent à normaliser ces partis en les faisant entrer au gouvernement. Traverso donne à penser qu’il ne faudra cependant pas faire l’erreur d’attendre de juger l’arbre à ses fruits.

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