Conférence Rio +20

No 46 - oct. / nov. 2012

International

Conférence Rio +20

L’avenir que nous voulons ?

Isabelle Renaud

L’implication québécoise au Sommet des peuples, au Forum des parties prenantes et à la Conférence Rio+20 a été active tout au long du déroulement de ces événements en juin au Brésil. L’un des objectifs de la société civile était de dénoncer les prises de position en matière sociale et environnementale des gouvernements Harper et Charest. Dans la foulée du désengagement canadien du protocole du Kyoto et de la promotion du Plan Nord par le gouvernement québécois, la voix des militantes environnementalistes, des Premières Nations, des syndicalistes, des étudiantes s’est fait entendre jusqu’au Brésil.

Les mouvements sociaux brésiliens et internationaux ont organisé le Sommet des peuples à Rio de Janeiro du 15 au 23 juin dernier dans le parc Flamengo. Cette initiative était destinée à promouvoir la justice sociale et environnementale contre la marchandisation de la vie et pour la défense des biens communs. Au même moment, sous les auspices des Nations unies (ONU), se tenait la Conférence sur le développement durable du 20 au 22 juin au centre des congrès de Rio. À 40 km l’un de l’autre, ces deux événements marquent une divergence profonde dans la façon de voir le monde.

Rio+20

La Conférence sur le développement durable avait notamment pour objectif d’aborder les thématiques de l’économie verte et de l’éradication de la pauvreté dans une perspective de développement durable. Plus d’une centaine de chefs d’État et de gouvernements se sont donc donné rendez-vous « à la plus importante réunion mondiale sur le développement durable », selon Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations unies. Au même moment, des organisations non gouvernementales (ONG) accréditées par l’ONU tentaient d’influencer les négociations au Forum des parties prenantes. Leur but : obtenir une déclaration mordante pour régler plusieurs problèmes environnementaux. A posteriori, force est de constater que les résultats de ces rencontres sont pour le moins décevants. Dans un contexte où le réchauffement climatique s’accentue dangereusement, où pratiquement 1,3 milliard d’habitants vivent sous le seuil d’extrême pauvreté (c.-à-d. vivre avec moins de 1,25 $ par jour), où 100 millions d’enfants sont dans la rue, le document officiel de la conférence, « L’avenir que nous voulons  », est loin de répondre aux attentes.

Malgré les efforts de plusieurs acteurs pour influencer la déclaration de la Conférence, le résultat est insatisfaisant. « L’avenir que nous voulons » n’est certainement pas l’avenir que nous souhaitons pour les générations futures. La déclaration parrainée par les Nations unies est faible et sans colonne vertébrale. Il faut préciser que le Canada, qui n’est présentement pas un exemple en matière d’environnement, jouait un rôle de premier plan dans la préparation de la Conférence. Élu parmi les vice-présidents de l’événement et responsable de l’animation de trois des onze groupes de négociation, dont celui sur l’économie verte, le Canada a mis de l’avant ses positions conservatrices en matière environnementale. Le résultat net est que malgré les défis environnementaux et sociaux qui se dressent devant nous, aucune remise en question du système économique actuel n’a été faite par les signataires du document. Comment est-il possible de penser que les dogmes néolibéraux, tels que la sempiternelle loi du marché, la réduction de l’être humain à un « capital humain » et la diminution du rôle de l’État dans les sphères politiques, économiques et sociales, puissent être compatibles avec la sauvegarde de notre environnement ? C’est face au Sommet des peuples que nous devons nous tourner pour trouver des solutions porteuses d’une justice sociale et environnementale.

L’autre sommet

Le Sommet des peuples a été organisé par près de 200 organisations écologistes et des mouvements sociaux des quatre coins du globe. Sur le site de l’événement, des milliers de participantes ont assisté à des ateliers et à des conférences offerts par une kyrielle de groupes. Via Campesina (le mouvement international des paysans), Greenpeace, le Collectif pour un Québec sans pauvreté et Alternatives ont offert des activités sur les défis environnementaux et sociaux auxquels nous devons faire face. Dans cette optique, la délégation de la société civile québécoise a présenté le 18 juin un atelier intitulé « Industries extractives, droits des autochtones et environnement : le cas du Plan Nord au Québec ». Coordonné par Alternatives, UNIAlter et les initiatives internationales du YMCA du Québec, cet atelier offrait un espace pour débattre et construire ensemble un projet de développement juste du Nord du Québec. Une centaine de participantes de plusieurs pays ont travaillé avec les militantes de la société civile québécoise pour critiquer le Plan Nord du gouvernement Charest. Ce travail collectif s’est traduit par la Déclaration de la délégation de la société civile québécoise à Rio+20.

Cette déclaration affirme : 1. l’intérêt privé ne doit pas conduire à l’élaboration de politiques publiques ; 2. les industries extractives ne doivent pas avoir plus de pouvoir que le gouvernement et la population devrait être véritablement consultée et entendue ; 3. le Plan Nord sépare l’humain, l’environnement et l’économie. Il divise les communautés et mise sur un mode de développement axé sur l’exploitation des ressources non renouvelables et fondé sur la croyance d’une croissance économique infinie.
Pour la délégation québécoise, les valeurs suivantes devraient être au cœur d’un projet de développement juste du Nord du Québec : le respect de la terre mère, des droits de la personne, des cultures et des communautés du nord et du Québec dans son ensemble ; un véritable dialogue entre toutes les parties prenantes au projet ; la transparence ; une démocratie participative permettant à chacun de prendre part au processus de décision ; la justice sociale ; le développement local et communautaire ; l’équité entre générations et peuples. La Déclaration de la délégation a ensuite été présentée à Jean Charest au Forum des parties prenantes.

À l’instar des sujets abordés à Rio, il est inquiétant de constater le peu de chemin parcouru par les chefs d’État et les gouvernements. Pourtant, à quelques kilomètres du centre des Congrès, les solutions mises de l’avant par les groupes environnementaux et sociaux sont multiples et réalisables pour inverser l’ordre mondial. Il est aussi important de souligner la contribution de la société civile québécoise dans la réflexion pour penser un monde plus équitable et respectueux de l’environnement. Avec peu de moyens, la délégation québécoise s’est inscrite dans les débats dénonçant et proposant des solutions pour contrer les politiques rétrogrades du Canada et du Québec. À la lumière de ces propos, la faiblesse de la déclaration « L’avenir que nous voulons » ne relève pas d’un manque d’alternatives au système capitaliste en place pour éviter la catastrophe. Il s’agit d’un manque flagrant de volonté politique des élites qui préfèrent hypothéquer l’avenir de la planète au plus offrant.

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