Aux côtés de Michel Chartrand

No 39 - avril / mai 2011

Mémoire des luttes

Aux côtés de Michel Chartrand

Gilles McMillan

Dans les pierres il y a la vie des arbres, des racines
la vie de la pluie et du soleil et nos cendres sont là.

Pablo Neruda (cité par Alain Massot)

Les sympathisants l’interpellaient souvent avec cette formule : « On est derrière vous, Monsieur Chartrand ! » « Merci, leur répondait-il, mais j’aimerais mieux que vous soyez à côté de moi, pas derrière. » C’est un peu l’idée à l’origine des trois textes présentés ici : veiller sur la mémoire du leader syndical disparu l’an passé à l’âge vénérable de 93 ans (1916 – 2010), en rappelant que ses luttes sont toujours pertinentes, qu’elles ne sont pas l’affaire d’un seul individu, encore moins d’un style ou d’un personnage, et qu’il n’y a pas de luttes sans risques ni solidarité authentique. Hommage et affection en forme d’engagement.

Comme l’écrit sa fille, Suzanne-G. Chartrand, pour lui rendre hommage il faut commencer par dépasser les lieux communs sur le personnage que les médias privilégient au détriment de la portée politique de son engagement. Sans prétendre épuiser la question, elle montre les diverses influences intellectuelles et spirituelles qui ont contribué à forger un homme plus complexe qu’il y paraît à première vue, à la fois contradictoire et cohérent, concret et lyrique, fort d’une autorité persuasive, mais que pouvait desservir un autoritarisme intolérable.

Michel Chartrand était un homme d’action, un militant, un organisateur syndical qui connaissait intimement la misère des ouvriers avec lesquels et pour lesquels il se battait. Il a défendu ses idéaux au péril de son confort et de sa tranquillité – ceux de sa famille aussi –, contre l’ordre établi patronal, gouvernemental, religieux, financier, gauchiste et syndical.

Yves La Neuville, militant engagé dans des luttes populaires au Chili, évoque sa rencontre avec Chartrand à Santiago en 1973. Il rappelle son passage à la CTCC, ses convictions anticapitalistes qui lui valurent d’être expulsé de la centrale catholique par Jean Marchand. Dix ans plus tard, Chartrand revient à la CSN plus convaincu que jamais de la portée sociale et politique du syndicalisme  : défendre les conventions collectives certes, mais travailler à changer les conditions de vie de la majorité, y compris des non-syndiqués.

Enfin, Alain Massot rappelle la lutte de Chartrand pour le revenu de citoyenneté. C’est d’ailleurs armé de cette idée qu’il se présenta aux élections de 1998 contre Lucien Bouchard, PQ, opposant au « déficit zéro », principe néolibéral fallacieux, la « pauvreté zéro ». Comme le montre le sociologue, c’est toute la question du sens du travail et du partage des richesses que soulève l’idée de revenu de citoyenneté.

Dans un numéro portant sur les classes dominantes au Québec, la figure de Michel Chartrand s’est pour ainsi dire imposée d’elle-même… En guise d’hommage et de reconnaissance donc, une invitation à ne pas rester derrière…

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