Négos du secteur public et parapublic. Résultats mitigés

No 90 - décembre 2021

Travail

Négos du secteur public et parapublic. Résultats mitigés

Sébastien Adam

Une ronde de négociations s’achève dans les secteurs public et parapublic, sans offrir de répit aux travailleur·euse·s, puisque la suivante s’apprête à débuter. Mise en contexte, faits saillants et éléments de perspective.

Les secteurs public et parapublic, ce sont plusieurs centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs et plusieurs centaines de titres d’emploi.

Du côté patronal, on trouve le Conseil du trésor, lequel négocie sur certaines questions dites « centrales » ou « intersectorielles », comme les salaires et le régime de retraite. Il intervient aussi dans les négociations dites « sectorielles », qui concernent les conditions de travail. Celles-ci sont sous la responsabilité de comités patronaux : un pour la santé et les services sociaux, quatre pour les centres de services/commissions scolaires et un pour les cégeps [1].

Du côté syndical, dans le secteur des affaires sociales, la loi distingue quatre unités d’accréditation. La catégorie 1 regroupe essentiellement le personnel infirmier et en inhalothérapie. La catégorie 2 regroupe une diversité de titres d’emplois, par exemple des techniciens, des assistants, des ouvriers et le personnel des services auxiliaires. La catégorie 3 regroupe le personnel administratif et la catégorie 4, le personnel professionnel et technique de la santé. Dans le secteur de l’éducation, sans que cela ne soit explicitement prescrit par la loi, on identifie essentiellement le personnel enseignant, le personnel de soutien et le personnel professionnel. Ces personnes forment des syndicats, eux-mêmes réunis dans une diversité de structures plus larges, à plusieurs niveaux, incluant de vastes centrales syndicales.

On peut alors imaginer la diversité que cela représente en ce qui concerne les conditions de travail, la pratique et les enjeux de négociation, même si certaines problématiques semblent largement partagées (notamment : rémunération et qualité de vie, dégradation des conditions de travail, surcharge de travail, attraction et rétention du personnel, professionnalisme et autonomie, précarité…). Les lieux d’échange sont aussi nombreux, alors qu’un seul et même comité patronal de négociation peut parallèlement mener des discussions avec de multiples organisations syndicales qui représentent plusieurs catégories de travailleuses et de travailleurs. Qui plus est, lors des dernières négociations – contrairement à celles qui ont permis de conclure les conventions 2015-2020 –, il n’y avait pas de front commun intersyndical.

Soulignons qu’au début d’octobre 2021, quelques organisations n’avaient toujours pas finalisé leurs ententes. Ajoutons qu’il revient évidemment aux membres de se prononcer sur le contenu des ententes et de juger si celles-ci répondent à leurs attentes [2]. Et n’oublions pas, finalement, que les enjeux de relations de travail et de financement continuent à exister entre deux rondes de négociations et font l’objet de tractations constantes entre les syndicats, les administrations et le gouvernement.

Rémunération, primes et conditions de travail

En matière de rémunération, les ententes prévoient plus pour celles et ceux qui gagnaient moins. Si les travailleuses et les travailleurs profiteront d’augmentations de 2% par année, les personnes dont le titre d’emploi se trouve aux rangements inférieurs de la structure salariale du gouvernement et qui se situent aux échelons inférieurs de leur échelle salariale verront leur rémunération progresser davantage.

Par ailleurs, bien que ces enjeux soient indépendants des négociations, quelques dossiers relatifs à l’équité salariale ont été réglés dans la foulée de la conclusion des ententes de principe. Plusieurs titres d’emploi, par exemple les personnes préposées aux bénéficiaires ou les techniciennes et techniciens en service de garde, verront leur rémunération révisée, avec une importante rétroactivité.

De nombreuses primes seront maintenues, bonifiées ou profiteront à davantage de travailleuses et de travailleurs. Cela dit, les primes ne sont pas une panacée. Par exemple, elles ne sont pas prises en compte pour le calcul de la rente de retraite. Mentionnons tout de même quelques exemples, sans prétendre à l’exhaustivité : prime de 3,5 % pour toutes les personnes salariées de la catégorie 1, prime pour les personnes qui supervisent des stagiaires (catégories 2, 3 et 4), maintien et élargissement des primes pour ouvrier·ère·s spécialisé·e·s, primes pour les personnes qui œuvrent dans des milieux spécifiques, comme les centres jeunesse (catégories 2 et 4) les CHSLD (catégories 1 et 2) ou auprès de la clientèle présentant des troubles graves du comportement (plusieurs catégories).

Les contributions patronales aux assurances collectives seront bonifiées pour beaucoup de groupes de travailleuses et de travailleurs. On remarque aussi un souci d’améliorer l’accès à divers types de congés. Finalement, dans plusieurs secteurs, des comités travailleront sur différents problèmes (surcharge de travail, santé psychologique, calcul de la charge de travail, etc.).

Les offres du gouvernement ne garantissent pas la protection du pouvoir d’achat, pas plus qu’elles ne devraient permettre un rattrapage salarial significatif par rapport aux autres personnes salariées québécoises. Notons d’ailleurs la récente progression importante de l’indice général de l’indice des prix à la consommation (IPC). Mais surtout, si la rémunération et les primes permettent une reconnaissance plus juste du travail accompli, elles ne satisfont pas aux nombreuses revendications d’amélioration des conditions de travail et aux souhaits d’une meilleure conciliation travail-famille.

Enjeux sectoriels

En éducation, soulignons les ajustements salariaux consentis aux enseignantes et aux enseignants du primaire, dont la rémunération dépassera ainsi la moyenne canadienne, selon la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). Du côté du personnel enseignant des cégeps, mentionnons la bonification de la rémunération à la formation continue, diverses mesures qui faciliteront la vie des personnes à statut précaire (aménagement de la tâche, création des postes) et la reconnaissance explicite de la liberté académique.

Évoquons aussi en rafale l’ajout de ressources professionnelles dans les commissions scolaires et pour le soutien aux étudiantes et aux étudiants en situation de handicap dans les cégeps. Du côté du personnel de soutien, plusieurs modifications profiteront particulièrement aux personnes plus précaires : par exemple, les travailleuses et les travailleurs des services de garde scolaires seront dorénavant admissibles à l’assurance-salaire. Dans les cégeps, pour le personnel de soutien, le télétravail sera encadré.

Du côté de la santé et des services sociaux, dans la catégorie 1, un ensemble de mesures vise la stabilisation des équipes de travail (rehaussement volontaire des postes à temps partiel en postes à temps plein, hausse des cibles de postes à temps complet, ajout d’équivalents temps complet dans plusieurs milieux, plancher pour les temps partiel). Il y aura également des travaux visant les mêmes fins dans la catégorie 2. Nous avons évoqué dans les sections précédentes de nombreuses mesures (primes, comités de travail) qui concernent notamment les catégories 3 et 4, par exemple la reconnaissance du travail de supervision de personnes stagiaires ou les modifications aux primes qui concernent la responsabilité d’une équipe de travail.

Pas le temps de souffler : on recommence

Les syndicats amorceront bientôt leurs travaux de préparation et le début de la nouvelle phase de négociations coïncidera avec les prochaines élections québécoises. Les syndicats pourront rapidement revenir à la charge afin d’améliorer les conditions de travail de leurs membres – et il n’est pas impossible que des organisations aient fait ce calcul au moment d’entériner les ententes 2020-2023 –, mais cela pourrait être exigeant en termes de mobilisation. De plus, la perspective de l’élection d’un nouveau gouvernement caquiste, quelques mois avant l’échéance des conventions collectives, surtout en cas de victoire électorale nette, est inquiétante pour les syndicats. Les travailleuses et les travailleurs devront faire entendre leur voix avant et pendant la campagne, en respectant évidemment le cadre des lois électorales. 


[1On peut même voir émerger quelques tiraillements entre organisations. Par exemple, l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé (APTS) a suspendu en septembre la consultation de ses membres en assemblées générales à la suite de l’annonce par le gouvernement de primes supplémentaires pour les infirmières.

[2Il y a clairement des insatisfactions. Par exemple, selon les informations des médias, les membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ) (catégorie 1) ont approuvé le projet d’entente globale dans une mince proportion de 54 %.

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