Dossier : Gaspésie - Forces vives

Gesgapegiag

Les Mi’gmaqs de Gaspésie

Dossier : Gaspésie - Forces vives

Cynthia Dow

Les trois communautés mi’gmaqs de la Gaspésie, Gespeg, Gesgapegiag et Listuguj, se sont réunis pour combattre les impacts du colonialisme et de la discrimination pour avoir accès aux ressources nécessaires pour leur développement. Comme l’exemple de Gesgapegiag le démontre, bâtir une économie sur moins de 2 km2, ce n’est pas évident !

Les Mi’gmaqs sont des descendant·e·s des premiers êtres humains vivant dans l’est du Canada. En 200 ans, les lois britanniques, canadiennes et québécoises, malgré l’existence de nombreux traités, ont réduit leur droit aux ressources essentielles pour leur subsistance.

Le territoire de la réserve, en comparaison avec les municipalités qui les entourent, est très limité. Gesgapegiag (800 habitant·e·s) couvre une superficie de moins de 1,88 km2. Saint-Jules-Cascapedia (739 habitant·e·s), le village voisin, a quant à lui une superficie de 162,68 km2.

Une ligne de vie

Pour Pn’nal Jerome, ancien chef de Gesgapegiag, la rivière Grande-Cascapédia, qui longe cette communauté Mi’gmaq, « est notre ligne de vie ». Depuis toujours, les Mi’gmaqs dépendent du saumon atlantique qui remonte la rivière au printemps. M. Jerome était un des jeunes militants mi’gmaqs qui, influencé par les mouvements sociaux des années 1960, a lancé dans les années 1970 un plan pour regagner l’accès à la ressource de la Cascapédia.

Aujourd’hui, la communauté partage la gestion de la pêche sportive sur cette rivière de renommée mondiale et ses membres ont échangé leur droit de pêche traditionnel contre une indemnisation monétaire de la province. Résultat : la création d’une cinquantaine d’emplois et des milliers de dollars dépensés dans la communauté et dans les communautés avoisinantes.

Ces luttes ont été marquées par des menaces, des amendes et des arrestations pour beaucoup de pêcheurs autochtones. La crise sur la rivière Restigouche en 1980 est survenue quand Gesgapegiag était en pleine négociation avec les gouvernements fédéral et provincial.

M. Jerome se rappelle : « J’ai présenté à Pierre E. Trudeau deux saumons de 30 livres en disant qu’ils seront les derniers qu’ils recevront de nous parce que votre gouvernement ne permet pas à notre peuple d’exercer ses droits. Le lendemain, deux représentants du gouvernement fédéral étaient à ma porte pour débuter des négociations.  »

« Maintenant nous exploitons le saumon d’une autre perspective. C’est l’ancienne philosophie vécue dans un contexte moderne », explique Pn’nal Jerome. « Nous avons fait de la rivière Grande-Cascapédia la meilleure rivière au saumon dans le monde, grâce à nos valeurs ancestrales de partage et de conservation. Pas un Blanc n’a perdu son emploi sur la rivière, et nos efforts en protection font que la saison de pêche est ouverte plus longtemps que sur toute autre rivière. »

Avec la reconnaissance des traités mi’gmaqs par la Cour suprême du Canada en 1999 dans le jugement Marshall, Gesgapegiag a eu l’oppor­tunité de développer une pêche commerciale dans la Baie-des-Chaleurs et dans le golfe du Saint-Laurent. Avec l’aide du capitaine Herman Synnott de Rivière-au-Renard, la communauté a mis sur pied l’une des meilleures exploitations côtières parmi les Premières Nations de l’Est du Canada. La création d’une trentaine d’emplois constitue un résultat important. En forêt, une autre trentaine d’emplois ont été créés.

Des défis importants, des luttes inspirantes

Les trois communautés mi’gmaqs font partie des économies locales, régionales et provinciale ; elles devraient donc avoir leur mot à dire sur les questions de l’énergie éolienne et des hydrocarbures. Elles ont formé en l’an 2000 un conseil tribal afin de collaborer dans certains dossiers communs, comme les revendications territoriales. Elles sont en train de prouver au gouvernement fédéral leur utilisation préhistorique du territoire.

Avoir accès à des ressources pour développer des économies vigoureuses rencontrant les besoins grandissants des membres des trois bandes est l’un des plus grands défis qui attendent les Mi’gmaqs de la région. À Gesgapegiag, plus de la moitié des 700 Autochtones ont moins de 30 ans. Le besoin de créer un marché du travail qui peut absorber tous ces jeunes est criant. La directrice du Gesgapegiag Human Resources Development Commission (GHRDC), Tammy Martin : « Nos jeunes veulent travailler mais croient que les emplois n’existent pas. Et la plupart ne rencontrent pas les critères pour les programmes d’emploi qui nous sont offerts par nos partenaires financiers.  » Plusieurs sont toujours à la recherche de semaines pour avoir droit à l’assurance-emploi au lieu de concentrer leurs efforts sur le développement des compé­tences requises pour les carrières qui les intéressent.

L’une des barrières est la langue. En majorité, les Mi’gmaqs de Gesgapegiag sont plus à l’aise en anglais qu’en français, en raison de leurs liens avec les autres communautés mi’gmaqs des Maritimes et d’une longue tradition de chercher de l’emploi de façon ponctuelle aux États-Unis. «  Alors, ils ne cherchent pas d’emploi à l’extérieur de la communauté parce que leur niveau de confiance est très bas », explique Brenda Ross-Jerome, coordonnatrice d’un projet qui cible les 14 à 25 ans.

Malgré ces défis importants, Pn’nal Jerome croit que l’avenir est prometteur pour sa communauté. Les batailles du passé qui ont été victorieuses ont « donné un nouveau souffle à notre peuple. Nous sommes plus aptes à prendre notre place. Nous nous connaissons beaucoup plus et nous avons prouvé que nous sommes capables de gérer des ressources encore mieux que les autres. Et tout le monde peut en bénéficier ».

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