La contribution en ligne – Pratiques participatives à l’ère du capitalisme informationnel

No 62 - déc. 2015 / janv. 2016

Serge Proulx, José Luís Garcia et Lorna Heaton (dir.)

La contribution en ligne – Pratiques participatives à l’ère du capitalisme informationnel

Philippe de Grosbois

La contribution en ligne – Pratiques participatives à l’ère du capitalisme informationnel, Serge Proulx, José Luís Garcia et Lorna Heaton (dir.), Presses de l’Université du Québec, 2014, 256 p.

Un élément majeur des nombreuses transformations qu’amène le réseau Internet est sans contredit la place grandissante de l’apport des usagers·ères au contenu médiatique. Avec la montée en puissance du Web dit social, la production générée par les utilisateurs a explosé : photos de voyage sur Facebook, œuvres musicales sur Bandcamp, billets de blogue sur Wordpress, clips vidéo sur YouTube, ajouts ou corrections au code d’un logiciel ou à un article sur Wikipédia, etc. Fruit d’une collaboration entre des chercheurs·euses du Québec et du Portugal, l’ouvrage propose d’explorer cette dimension spécifique du Web par le biais de son aspect contributif.

Doit-on voir dans ce phénomène une opportunité pour les citoyen·ne·s d’augmenter leur puissance d’agir et de subvertir l’ordre économique et politique en place ? Ou au contraire, serait-ce l’occasion pour des entreprises de générer des profits astronomiques par le biais de ces gestes bénévoles ? La somme des articles qui composent l’ouvrage nous offre des réponses nuancées : « Les prestations en ligne n’épousent ni totalement une logique de transaction marchande ni exclusivement une logique du don, écrit par exemple Serge Proulx, mais empruntent en même temps certains éléments des deux logiques. » Stéphane Couture abonde dans le même sens à propos du logiciel libre : même si l’acte de contribution n’est pas rémunéré, « il est cependant associé à des relations d’autorité et à des dispositifs de reconnaissance complexes ». Si le logiciel libre est bien, selon Proulx, « emblématique de cette logique de la contribution », cette dernière est loin d’être exclusivement une alternative à l’économie de marché, comme le rappelle aussi José Luís Garcia.

Par ailleurs, le « bricolage coopératif », comme l’appelle joliment Michel Gensollen, peut être mobilisé à des fins de satire politique par le biais du remix (Patrícia Dias da Silva) ou pour donner davantage de visibilité à des groupes minoritaires (Mélanie Millette), et ce, même sur des plateformes marchandes comme YouTube et Twitter. Le déve­loppement des médias numériques lui-même peut être l’objet d’un travail contributif, comme le souligne Guillaume Latzko-Toth à propos d’Internet Relay Chat (IRC). Enfin, on remarque que plusieurs articles montrent les bénéfices de la contribution d’amateurs·trices dans le cadre d’activités scien­tifiques : botanique sur Tela Botanica (Heaton et Proulx), étude des oiseaux sur Flickr (Garcia et Tânia Alves), recherche d’insectes à l’Observatoire naturaliste des écosystèmes méditerranéens (Heaton et Florence Millerand)… À l’évidence, les moti­vations sous-jacentes à la contribution en ligne – tant celles des personnes contributrices que celles des organisations ou entreprises qui les accueillent – sont multiformes et ne peuvent être résumées par une déclaration à l’emporte-pièce, que celle-ci relève de l’apologie ou de la critique.

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