Distribution d’électricité : Hydro-Québec doit respecter son obligation

No 96 - Été 2023

Environnement

Distribution d’électricité : Hydro-Québec doit respecter son obligation

Jean-Pierre Finet

Hydro-Québec, dans ses activités de distribution d’électricité, a la responsabilité d’assurer un approvisionnement suffisant et fiable en électricité pour répondre aux besoins prévus de la clientèle québécoise. Devrait-on s’inquiéter de l’apparent manque de préparation et de capacité de la société d’État pour assumer ses responsabilités et, à plus forte raison, faire face au défi de la décarbonation de l’économie québécoise ?

Cet article paraîtra dans notre numéro 96 (été 2023), bientôt disponible !

Le vieillissement des actifs et la résilience énergétique

Selon le rapport de la vérificatrice générale du Québec sur la maintenance préventive des actifs du réseau de distribution d’électricité publié en décembre 2022, la fiabilité du service de distribution d’électricité d’Hydro-Québec présente une baisse marquée, et le vieillissement des actifs va s’accentuer alors qu’il faudrait intégrer plus de 100 TWh additionnels au réseau d’ici 2050 simplement pour décarboner notre économie.

L’épisode de verglas du début du mois d’avril 2023 aura démontré le manque de fiabilité du réseau, ranimé le débat sur l’enfouissement des fils, et souligné le besoin d’investir pour que les municipalités s’adaptent face aux changements climatiques.

Le déséquilibre offre-demande

Hydro-Québec doit s’assurer de disposer d’approvisionnements suffisants pour répondre en tout temps aux besoins en électricité du Québec. Et pourtant, l’entreprise semble avoir totalement ignoré les orientations réglementaires et les cibles de décarbonation des municipalités québécoises.

En effet, Hydro-Québec a récemment jugé comme irréalistes les recommandations d’une commission d’élus de Montréal concernant l’électrification intégrale des nouveaux bâtiments construits dans la ville, et l’abandon progressif des systèmes de chauffage aux combustibles fossiles dans les bâtiments existants.

Pour justifier sa réaction, l’entreprise prétend que la conversion des clients montréalais d’Énergir à l’électricité demanderait une puissance de l’ordre de 4500 mégawatts lors des grands froids qui « compromettrait les projets d’électrification et le développement économique ». Cependant, Hydro-Québec est bien plus avenante lorsqu’il est question d’approvisionner des projets industriels tels que l’usine de batterie de Volkswagen. On peut donc constater qu’Hydro-Québec effectue un certain arbitrage parmi les usages destinés au développement économique et ceux nécessaires à la décarbonation, et ce, même parmi les projets de décarbonation.

La conversion du chauffage des client·es d’Énergir à l’électricité est basée sur une efficacité de chauffage de 100 %, puisque les thermopompes peinent à combler les besoins de chauffage lors des périodes de froid intense. Ce faisant, Hydro-Québec fait fi des solutions technologiques proposées par la Ville de Montréal pour favoriser une décarbonation graduelle et complète des bâtiments tout en minimisant les impacts sur les besoins de puissance en heure de pointe, notamment grâce au déplacement des charges que permet dorénavant le chauffage par accumulation thermique, qui est déjà subventionné par Hydro-Québec. Ces propositions sont clairement explicitées dans la Feuille de route vers des bâtiments montréalais zéro émission dès 2040.

Hydro-Québec ne se contente pas d’essayer de décourager les efforts de décarbonation de la Ville de Montréal, mais aussi ceux des autres municipalités qui désirent décarboner leur territoire. En effet, Hydro-Québec a déclaré que la Ville de Laval faisait «  fausse route  » lorsqu’elle a exprimé l’intention d’imposer un moratoire sur l’installation d’appareils alimentés au gaz naturel dans le secteur résidentiel. De même, Hydro-Québec a récemment fait part de son incapacité à répondre adéquatement aux perspectives de décarbonation évoquées en Outaouais.

L’obligation de distribuer l’électricité

On se rappellera qu’au début de l’année 2023, Hydro-Québec annonçait avoir reçu des demandes en alimentation électrique totalisant 23 000 mégawatts (MW) pour des projets industriels, qu’elle disait ne pas pouvoir tous alimenter. Avec l’adoption du projet de loi 2, Hydro-Québec n’a plus l’obligation de distribuer l’électricité pour les demandes d’alimentation de moins de 50 MW. Elle demeure toutefois soumise à l’obligation légale de fournir de l’électricité pour satisfaire toute demande inférieure à 5 MW, ce qui inclut les demandes individuelles de décarbonation des bâtiments.

Hydro-Québec a l’obligation de distribuer l’électricité, tel quel prévu à l’article 76 de la Loi sur la Régie de l’énergie. Elle ne devrait pas se permettre de critiquer les demandes d’alimentation exprimées par sa clientèle ni les orientations réglementaires décidées démocratiquement par les gouvernements locaux élus par la population.

Plutôt que de s’efforcer de freiner l’électrification complète et intelligente du chauffage des bâtiments, Hydro-Québec devrait jouer un rôle de premier plan dans la décarbonation rendue plus que pressante par l’urgence climatique. Pour se faire, elle se doit d’assurer un approvisionnement suffisant et fiable. Point final.

Cet article paraîtra dans notre numéro 96 (été 2023), bientôt disponible !

 

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