Cégeps. « Présentiel », ce lien social que l’on ignorait

Mini-dossier : COVID en continu

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Cégeps. « Présentiel », ce lien social que l’on ignorait

Lucie Piché

Quel bilan tirer de l’aventure singulière dans laquelle se sont retrouvés les profs de cégep alors que s’achève cette deuxième session vécue à l’aune de la crise sanitaire ? Les derniers mois ont en effet brutalement révélé les enjeux et défis de la formation à distance tous azimuts, comme en témoignent les échos qui nous parviennent tant du personnel enseignant que de la communauté étudiante. Quels sont nos leviers pour mieux affronter les mois à venir ?

« Nous sommes à reconstruire le domaine de l’enseignement  ». Tel a été l’un des témoignages reçus dans le cadre d’un sondage qui a révélé une surcharge de travail et une augmentation des problèmes de santé psychologique provoquées par le passage à la formation à distance. De fait, nous aurions dû, depuis le printemps, pouvoir nous concentrer sur l’essentiel, soit l’enseignement. Il aurait alors été possible de dégager du temps pour mieux faire face à l’alourdissement de la tâche lié à l’intégration de nouvelles approches pédagogiques, au réaménagement de la matière et des évaluations désormais en ligne, à la multiplication des corrections qu’induit une formule pédagogique improvisée et à l’accompagnement individualisé rendu nécessaire pour répéter les consignes, offrir un dépannage informatique ou calmer l’anxiété ! En lieu et place, nous avons dû batailler ferme dans la majorité de nos cégeps, ici pour réduire les tâches connexes, là pour préserver notre autonomie professionnelle dans nos choix pédagogiques, mais partout, pour obtenir un minimum de ressources dédiées à l’enseignement à même les sommes supplémentaires allouées par le gouvernement depuis le printemps. Malheureusement, ces dernières demandes n’ont guère trouvé d’écho alors que se profile la session d’hiver et que l’épuisement se fait déjà sentir.

L’éducation en présence, un service essentiel

Depuis mars 2020, la communauté collégiale a pu faire la démonstration « par le vide » de l’importance des liens que nous tissons « en présentiel » avec nos étudiantes et étudiants : des liens essentiels à la construction de la relation pédagogique ; des liens qui donnent sens et cohérence à leur apprentissage… et à notre travail. À ce titre, il convient de prendre un pas de recul face à la formation à distance que certains préconisent comme étant LA solution de l’avenir pour améliorer l’accès à l’enseignement supérieur, en prenant notamment la mesure de la détresse étudiante qu’on a pu voir surgir au fil de l’automne dans l’espace médiatique [1]. La pandémie a également agi comme puissant révélateur des inégalités sociales qui traversent nos classes désormais virtuelles. Toutes et tous ne sont pas égaux face à l’apprentissage, encore moins à distance, alors que le contexte de la salle de classe permet d’amoindrir les écarts.

Depuis mars dernier, nous avons aussi été à même de constater à quel point la collégialité qui caractérise nos milieux de travail est porteuse de liens sociaux plus que jamais essentiels en temps de pandémie. La mise en commun de nos expériences, par le biais des réseaux sociaux notamment, a en effet servi de levier pour contrer la dématérialisation de nos espaces de collégialité dans laquelle nous avait plongés la pandémie, de créer une synergie permettant de réinventer nos pratiques.

Nos organisations syndicales constituent, elles aussi, des leviers essentiels dans une période où nous avons plus que jamais besoin de faire entendre nos voix pour sonner l’alarme face à la détérioration de nos conditions de travail et à la dégradation des conditions d’étude des cégépiennes et cégépiens. Des voix qu’il nous faut plus que jamais rassembler pour défendre une vision de l’éducation comme lieu de socialisation et de mixité sociale permettant, tant à la population étudiante qu’à celle qui œuvre dans ce milieu, de construire un monde plus égalitaire – une vision que la crise actuelle a malheureusement mise à mal.


[1Noémie Veilleux, « Ne remettons pas la condition étudiante à demain », Le Soleil, 15 octobre 2020.

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