Séminaire La bête et le souverain - Volume 1, 2001-2002

No 30 - été 2009

Jacques Derrida

Séminaire La bête et le souverain - Volume 1, 2001-2002

Lu par Alexandre Costanzo

Alexandre Costanzo

Jacques Derrida, Séminaire La bête et le souverain - volume 1, 2001-2002, Paris, Galilée, 2008, 467 p.

Dans le premier volume du Séminaire de Jacques Derrida, paru il y a déjà plusieurs mois, il est question de curieuses figures à travers lesquelles se superposent, s’aimantent, se confondent ou s’accouplent la bête et le souverain, au détour d’une fable de La Fontaine ou dans les œuvres de Hobbes, de Freud ou de Rousseau. Dans ce bestiaire inventorié par Derrida, les figures animales du politique dévoilent, d’une part, les logiques qui organisent la soumission du vivant au système de la souveraineté et révèlent, d’autre part, des analogies troublantes entre la bête, le souverain et Dieu. Ce bestiaire désigne ainsi le lieu d’une extériorité flottante, le continuum d’un « hors la loi » qui réunit les points de fuite du « divin », de la « bêtise » et de « l’animalité ». Et ce sont ces fuites que Derrida suit comme les traces de quelque chose qui s’émancipe. Car c’est toujours cette « région » improbable qu’il appréhende dans sa philosophie en éprouvant une trouée là où le sens, les concepts et les édifices menacent de s’effondrer. Ainsi, cette « trouée », il s’agit précisément de l’approcher pour épouser le mouvement de sa fuite et la possibilité du monde qu’elle recèle. Et je crois que Derrida n’a jamais parlé que de cela qui prendra plusieurs noms dans son œuvre : don, pardon, hospitalité… et qu’il transmettait à travers ses dernières leçons dans ce flottement du « hors la loi » et ces figures dessinant la topographie d’un rapport à l’Autre et désignant les traces évanouies d’une échappée – il aimait à dire plutôt un « possible impossible ». Pour toucher au monde et le faire vaciller, il faut aussi toucher à la langue, à « sa » langue et « ses » concepts, et c’est ce que Derrida s’est évertué de faire à travers ce style si singulier qui étourdit les significations en se fixant sur des glissements de terrain. Dans ces brèches, dès lors, il devient possible de suivre précisément ce qui échappe dans le monde et dans les langages, le lieu ininscriptible d’un événement évanoui ou à venir, un possible qui flotte et contamine.

En somme, Jacques Derrida nous dit : « il y a du possible », un autre monde possible dont on aurait peut-être là une trace fuyante. Et avec cette trace, il y aurait ainsi l’horizon d’un monde qu’il reste à faire.

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