Dossier : Libérer des espaces (...)

Libérer des espaces : résister, créer, militer

Pointe St-Charles : des libertaires dans leur quartier

On connaît peu ce petit quartier enclavé de Montréal, sinon pour ses conditions socio économiques difficiles et ses luttes locales. Mais quelles formes prend la militance actuelle du quartier ? Comment se vivent la cohabitation et la collaboration entre libertaires et milieu communautaire ? Et quels en sont les résultats ? Voici, d’un point de vue libertaire, un très bref historique des luttes récentes du quartier.

La Pointe, quartier populaire, fière de sa dignité, rêve au projet libertaire d’un quartier autogéré [1] !

Pointe-Saint-Charles (PSC) possède une longue histoire de luttes urbaines et communautaires. On n’a qu’à penser à la création de la première clinique populaire en santé ou encore à celle des services juridiques communautaires il y a plus de 40 ans. Cette forte tradition met de l’avant le fait que les gens du quartier doivent être au cœur des décisions qui ont un impact sur leur vie, puisque ce sont les premiers concernés. Aujourd’hui, ces deux organismes, avec une vingtaine d’autres, se rassemblent autour de la table de concertation communautaire Action-Gardien. Cette concertation « partage des objectifs d’équité, de solidarité, de justice sociale et de partage de la richesse, de cohésion, d’entraide et de non discrimination, d’amélioration de l’environnement [2] » et possède une culture consensuelle, non loin des principes libertaires de démocratie directe, de refus des structures de domination et d’autonomie, qui, à terme, ont permis de nombreux rapprochements entre les deux milieux.

Débutons la petite histoire en 2003, lorsque les terrains du CN, friche industrielle contaminée de 3 millions de pieds carrés, rendus vacants, sont vendus 1$ à Vincent Chiara, promoteur immobilier. Malgré son ratio de 40% de logement social, PSC est déjà en proie à un embourgeoisement galopant, étant donné sa proximité avec le centre-ville et le Vieux-Port. La façon dont ces terrains se développent est donc déterminante pour l’avenir du quartier. En 2005, les craintes se font réalité lorsque l’on apprend qu’ils accueilleront le casino de Montréal, flanqué d’un centre de foire et d’un complexe récréo-touristique de luxe.

Les libertaires se mobilisent : la RueBrique (2001-2007), journal critique de l’actualité locale, et la Pointe libertaire (groupe affinitaire qui promeut l’idée de l’autogestion du quartier par ses résidentEs) dénoncent l’embourgeoisement et critiquent ouvertement ce projet. Action-Gardien, pour sa part, crée un comité de lutte citoyenne auquel participent activement plusieurs libertaires. Cette mobilisation, qui dure près d’un an, favorise grandement l’échange et le travail commun. En 2006, c’est la victoire ! Le casino « arrête son cirque » et le quartier peut continuer à travailler à un développement qui lui ressemble sur les
terrains du CN.

En 2007, La Pointe libertaire lance l’idée d’un centre social autogéré (CSA) - squat - sur les terrains du CN. De nombreux militantEs répondent à l’appel et un nouveau collectif libertaire se forme : le CSA. Ce jeune collectif réalise de nombreuses initiatives (Réclame ta Pointe !, vélo-libres, ateliers d’éduc-pop, etc.) et travaille à tisser des liens avec la communauté et le communautaire afin de gagner des appuis pour pouvoir squatter un édifice le plus longtemps possible. Finalement, le CSA occupe le dernier bâtiment industriel sur le bord du canal Lachine non encore transformé en condos dans le quartier en mai 2009. Bien qu’éphémère (moins d’une journée d’occupation), cette action met en lumière la problématique de la « gentrification » sur le bord du canal, et la conversion de ce bâtiment en condos est mise sur pause par l’Arrondissement. La lutte pour un CSA sur les terrains du CN, quant à elle, se poursuit toujours.

Plusieurs autres luttes ont rassemblé les militantEs du quartier : la reconnaissance d’un statut pour Abdelkader Belaouni (réfugié dans l’église Saint Gabriel), le jardin de la liberté (squat-jardin), la disparition du bureau de poste, etc. Et bien que le travail en commun avec les groupes communautaires ne coule pas de source pour différentes raisons (rapport à l’État et aux autorités, conflit de génération, préjugés, etc.), il n’en demeure pas moins que nous travaillons sur les mêmes enjeux et que nos objectifs ne sont, au fond, pas si différents, et c’est cela qui contribue aussi, voire surtout, à nous unir. Pointe-Saint-Charles, qu’on se plait à nommer le village des irréductibles, possède un tissu social très bien développé, et c’est ce qui fait sa richesse.


[1Extrait de la chanson Résistance de la Chorale libertaire de PSC

[2Extrait des règlements généraux, Action-Gardien, octobre 2008

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