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Parti pirate. Abordage raté (de peu) en Islande
Plusieurs partisan·e·s du Parti pirate ont suivi de près les élections islandaises du 30 octobre dernier. En effet, les pirates pouvaient, selon les sondages, espérer faire partie d’une coalition gouvernementale, une première pour leur mouvement.
Les pirates souhaitent la mise en place d’une démocratie plus directe à l’aide d’Internet, s’opposent à la censure sur Internet, promeuvent un droit d’auteur et des brevets plus favorables à l’intérêt du public. Le Píratar, le parti pirate islandais, a été fondé en 2012 dans le sillage de la crise de 2008. La capitaine du Píratar, Birgitta Jónsdóttir, est une ancienne militante de l’organisation WikiLeaks et elle se présente comme poétesse anarchiste. Le parti n’a finalement recueilli que 14 % des voix (10 sièges sur 63), tout juste derrière le Mouvement des verts et de gauche (10 sièges aussi), alors que certains sondages le plaçaient en tête des intentions de vote quelques mois avant les élections.
Cette élection était prévue pour 2017, mais a été devancée à la suite de la démission forcée du premier ministre en raison de révélations contenues dans les Panama Papers. Cette importante fuite d’informations d’ordre financier a révélé que le premier ministre et sa femme avaient des capitaux dans certains paradis fiscaux. Dans un pays où, dans la foulée de la crise de 2008, la population a fait tomber un gouvernement, les trois principales banques ont été nationalisées et certains banquiers ont été emprisonnés, ce genre de révélations a mené à des manifestations monstres dans la capitale ayant poussé le premier ministre à démissionner.
Une fois le résultat des élections connues, le président de la république a donné tour à tour aux trois partis ayant eu les meilleurs scores, dont le Píratar, le mandat de former des coalitions majoritaires. Pendant deux mois, les négociations entre les différents partis ont achoppé. Mi-janvier, le Parti de l’indépendance (droite) a annoncé avoir finalement trouvé un accord avec Renaissance (centre droit) et Avenir radieux (centre) pour former une coalition gouvernementale.
Démocratie directe et révision constitutionnelle
L’une des raisons possibles de la popularité du Parti pirate en Islande est la place importante qu’il accorde aux réformes du système démocratique dans son programme. À la suite de la crise de 2008, une part de la population a réclamé une révision de la constitution islandaise. En 2009, des groupes citoyens ont organisé, hors des cadres officiels, une assemblée nationale de centaines de citoyen·ne·s choisis au hasard pour établir les grandes lignes des changements demandés. Le gouvernement de l’époque a été forcé de lancer un processus officiel de révision constitutionnelle tenant compte du résultat de cette première consultation citoyenne. Cette seconde consultation s’est partiellement déroulée en ligne, en utilisant de nombreux canaux de consultation. Une telle démarche, issue de la population elle-même et utilisant autant Internet, est considérée comme une première dans l’histoire des démocraties parlementaires et cela en fait un objet d’étude pour plusieurs constitutionnalistes à travers le monde.
Ce processus de révision constitutionnelle n’a cependant pas encore abouti, certains partis s’y opposant malgré un référendum national ayant « validé les orientations de la révision constitutionnelle. Paradoxalement, c’est le Parti de l’indépendance, opposé à la réforme, qui est arrivé premier aux dernières élections. La nature du processus peut cependant expliquer une part de la popularité du Píratar : dans un climat de ras-le-bol et de désabusement face à l’état de la démocratie, les réformes démocratiques prévues au programme pirate semblent avoir été plus inspirantes que le discours des partis de droite ou nationalistes.