On avance, on avance, on ne recule pas !

No 48 - février / mars 2013

Syndicalisation des Couche-Tard

On avance, on avance, on ne recule pas !

Travail

Léa Fontaine

Une campagne de syndicalisation intensive se déroule dans les établissements Couche-Tard depuis environ deux ans. Les travailleuses et travailleurs se serrent les coudes afin d’avoir plus de poids dans le rapport de force les opposant au patron, Alain Bernard. La CSN déploie de nombreuses tactiques et répond systématiquement aux stratégies patronales.

Vent de syndicalisation

Dès 2005, la CSN adopte, lors de son congrès, une résolution visant à mettre l’accent sur la syndicalisation des salariéEs occupant des emplois précaires. Certains secteurs sont ciblés, dont les dépanneurs Couche-Tard. D’ailleurs, en 2009, une requête en accréditation est déposée auprès de la Commission des relations du travail (CRT) afin que la CSN représente les travailleuses et travailleurs de l’établissement de Saint-Mathieu-de-Beloeil. Ainsi, jusqu’à très récemment aucun établissement n’était syndiqué.

C’est surtout depuis 2011 que les efforts de syndicalisation portent leurs fruits. À ce titre, huit établissements ont été syndiqués, soit ceux de Jean-Talon Est/Iberville, Saint-Denis/Beaubien Est, Saint-Liboire, Saint-Hubert, Pierrefonds, Boisbriand, Victoriaville et Montréal-Nord. Dans ce dernier établissement, la CRT, voulant s’assurer du libre exercice du droit de vote, avait ordonné la mise en œuvre du vote secret.

Stratégies patronales

L’action malheureusement déjà classique pour cet employeur antisyndical consiste en la fermeture sauvage des établissements qui font l’objet de campagnes de syndicalisation, tel que cela a été le cas dans deux établissements à Montréal, soit Saint-Hubert/Iberville et Saint-Denis/Beaubien, et ce, pour de prétendues raisons financières. Qui plus est, l’employeur refuse l’accès à des données financières relatives à ces deux établissements fermés. La CRT a dû ordonner au patron de la chaîne de dépanneurs de fournir les informations demandées par la partie syndicale.

Le patron de Couche-Tard recourt à d’autres mesures, dont les suivantes. L’intimidation, à peine voilée, à l’égard des salariéEs a pris la forme de la diffusion d’un enregistrement vidéo dans lequel il dénonce tous les méfaits du syndicalisme qu’il diabolise [1]. Le dépanneur de Boisbriand, nouvellement syndiqué, a subi une réduction des heures d’ouverture. (Selon la direction, il s’agit simplement d’une décision liée à un projet pilote non concluant.) Une intensification du recours au droit disciplinaire a aussi lieu dans ce même établissement. Le refus de respecter le droit de parole d’une actionnaire, en l’occurrence celui de Sylvie Joly, actionnaire et conseillère syndicale, lors de l’assemblée annuelle de Couche-Tard.

Dernièrement, l’employeur Couche-Tard a vendu à de supposés franchisés deux établissements au sein desquels la négociation était en cours, soit celui de Saint-Hubert et celui de Saint-Liboire. À ce propos, la CSN a saisi la CRT afin de déterminer le véritable employeur, et donc le véritable interlocuteur lors de la négociation collective des conditions de travail : Couche-Tard ou le franchisé ?

Campagnes syndicales

La CSN mène plusieurs actions, certaines sont traditionnelles, d’autres le sont moins. En effet, la Confédération surveille de très près le respect de l’exercice du droit syndical ; en conséquence, elle est souvent amenée à déposer des plaintes pour entrave, intimidation, menace ou encore non-respect des droits issus du Code du travail. La CSN a également contesté la fermeture des établissements montréalais ainsi que la vente des établissements à des « franchisés ».

Mais la CSN adopte également des mesures plus originales (voir le site Internet www.csn.qc.ca). Ainsi, elle a mis en place un comité de vigilance afin de répondre aux représailles patronales, notamment par l’organisation de mesures de soutien aux travailleuses et travailleurs concernés. La Confédération a aussi lancé une campagne « Adoption Couche-Tard ». Cette mesure vise à faire connaître aux travailleuses et travailleurs des dépanneurs les avantages concrets de la syndicalisation et prend la forme de la remise d’un tract au salariéE par le client. Par ailleurs, la Confédération a aussi mis sur pied une opération « Cartes de visite » ; il s’agit de distribuer une carte mentionnant les coordonnées de la CSN. Cette opération vise à sensibiliser les travailleuses et travailleurs au syndicalisme, mais aussi à les inciter à contacter la Confédération. La CRT a jugé que cette opération est légale dans la mesure où elle se limite à la remise d’une « carte de visite » et non en la quête d’une signature d’adhésion pendant le temps de travail, ce qui est interdit par la loi.

La lutte continue !

L’ensemble des stratégies élaborées par la partie patronale vise incontestablement à casser le processus de négociation collective et à nier le droit fondamental d’association.

L’accréditation n’est bien sûr pas une fin en soi, mais le début d’un processus de paix industrielle menant à la détermination des conditions de travail. Les négociations collectives se déroulent d’ailleurs dans différents établissements, à tout le moins, elles avaient lieu dans certains d’entre eux avant leur vente ou leur fermeture. La négociation devrait débuter sous peu au sein de l’établissement de Montréal-Nord, tout récemment accrédité.

En ce début d’année 2013, il est permis de penser que plusieurs autres établissements seront syndiqués prochainement. Rappelons que la chaîne Couche-Tard emploie quelque 5 000 travailleuses et travailleurs.


[1Léa Fontaine et Jean-Marc Piotte, « Travailleuses et travailleurs des Couche-Tard – Mobilisés plus que jamais ! », À bâbord !, numéro 42, déc. 2011 / janv. 2012.

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