OTAN : en sortir au plus vite !

No 30 - été 2009

International

OTAN : en sortir au plus vite !

Raymond Legault

Les 4 et 5 avril 2009, alors que des dizaines de milliers de personnes manifestaient à Strasbourg et ailleurs dans le monde, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) marquait son 60e anniversaire et le retour de la France au sein de son commandement militaire intégré. Produit de la guerre froide, l’OTAN lui a survécu et s’est même renforcée comme bras armé de l’hégémonie états-unienne en Europe et jusqu’en Asie centrale.

L’OTAN : un peu d’histoire

L’OTAN est née le 4 avril 1949, à Washington, et rassemblait au départ 12 pays : les États-Unis, le Canada, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Danemark, l’Islande, l’Italie, la Norvège et le Portugal. La Grèce et la Turquie s’y joindront en 1952, la République fédérale allemande en 1955 et l’Espagne en 1982.

On aurait pu penser que la chute du mur de Berlin (1989) et la dissolution du Pacte de Varsovie et de l’URSS (1991) entraîneraient également la dissolution de l’OTAN ; mais la stratégie états-unienne allait, au contraire, tirer avantage de l’élargissement de cette alliance. En janvier 1994, l’OTAN lance donc son « Partenariat pour la paix » en vue de l’adhésion des États ex-communistes. Le 12 mars 1999, la République tchèque, la Hongrie et la Pologne en deviennent officiellement membres ; elles sont suivies, le 29 mars 2004, par la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie ; et, tout récemment, le 1er avril 2009, par l’Albanie et la Croatie.

Selon De Gaulle, l’intégration des commandements militaires des pays membres de l’OTAN, sous strict contrôle états-unien, se définissait par la subordination et l’automaticité [1]. En 1958, il envoie un mémorandum au président Eisenhower, proposant une direction tripartite États-Unis–France–Royaume-Uni. Proposition ignorée qui mène, le 7 mars 1966, au retrait de la France du commandement militaire intégré [2] pour « recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé par la présence permanente d’éléments militaires alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel » [3]. Les États-Unis évacuent alors 27 000 soldats, 37 000 employés et 30 bases aériennes, terrestres et navales. Trente ans plus tard, le 5 décembre 1995, la France, sous Jacques Chirac, réintègre le Conseil des ministres de la défense et le Comité militaire de l’OTAN. Puis, le 11 mars 2009, Nicolas Sarkozy officialise le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN pour pouvoir « peser de tout son poids » dans la réforme de l’OTAN…

L’OTAN et la stratégie états-unienne de l’après-guerre froide

Après la dissolution de l’URSS et la fin de la guerre froide, un des objectifs stratégiques des États-Unis est d’empêcher l’émergence d’une autre puissance capable de rivaliser militairement avec eux. Au nombre des rivaux potentiels, il y a la Russie et la Chine, mais aussi… l’Europe.

D’une part, depuis 1991, les États-Unis ont poursuivi une politique d’encerclement à l’égard de la Russie. En témoignent l’élargissement de l’OTAN et les pressions en faveur de l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine, les projets liés au « bouclier antimissile » en Pologne et en République tchèque, de même que l’établissement de bases militaires états-uniennes en Afghanistan et ailleurs en Asie centrale.

D’autre part, à la suite de la fin de la guerre froide, l’Europe économique et politique s’est grandement consolidée et la question de la doter de moyens militaires autonomes et significatifs a acquis une nouvelle importance. Objectivement, le maintien et l’élargissement de l’OTAN sont venus couper l’herbe sous le pied de la consolidation d’un pôle militaire européen autonome. Ainsi, la récente résolution du Parlement européen (19 février 2009) sur « le rôle de l’OTAN dans l’architecture de sécurité de l’Union européenne » fait le constat que « 94 % des personnes qui vivent dans l’Union européenne sont citoyens de pays membres de l’OTAN »... L’an dernier, Nicolas Sarkozy liait le retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN à des « progrès » dans la défense européenne ; mais la France s’est exécutée, alors qu’Obama s’est contenté de dire que « la sécurité de l’Europe est directement liée à celle des États-Unis. » Bref, qu’elle restera sous contrôle états-unien à travers l’OTAN.

L’OTAN c’est la guerre

Les membres de l’OTAN sont responsables d’au moins 75 % des dépenses militaires mondiales, y allouant 1 000 milliards de dollars par année [4]. Et les pressions états-uniennes incessantes en faveur de l’accroissement de ces dépenses, de la modernisation technologique à outrance et de « l’interopérabilité » accroissent l’intégration et la dépendance des pays membres tant au niveau des structures de commandement que des équipements et de la formation du personnel militaire. De plus, malgré l’appel récent du président Obama au désarmement nucléaire, la doctrine militaire des États-Unis et de l’OTAN concernant l’importance et le recours éventuel à ces armes demeure contraire au droit international.

À deux reprises depuis la fin de la guerre froide, l’OTAN a été entraînée dans des offensives guerrières d’envergure déterminées par les intérêts stratégiques des États-Unis. Une première fois, en ex-Yougoslavie, où une campagne de « bombardements humanitaires » de 78 jours – du 23 mars au 11 juin 1999 – a fait des milliers de victimes en plus de détruire les infrastructures civiles de la Serbie et s’est soldée par l’établissement d’un protectorat de l’OTAN au Kosovo, maintenant « indépendant ». Et une deuxième fois – très loin de l’Atlantique nord – en Afghanistan, où la guerre se poursuit toujours, après plus de sept années, et engage de plus en plus de troupes étrangères. Dans ces deux cas, tout comme pour l’Irak d’ailleurs, les fauteurs de guerre ont réussi à faire cautionner leur action après coup par le Conseil de sécurité des Nations unies au mépris du droit international et de la charte même de l’ONU.

Les projets guerriers concoctés par « nos » dirigeants politiques au sein de l’OTAN vont à l’encontre de la volonté populaire dans presque tous les pays qui en sont membres. C’est, en effet, en fonction de ces délibérations à huis clos que les parlements de l’Allemagne, du Canada, de l’Italie et de l’Angleterre – pour ne nommer que ceux-là – votent de poursuivre leur implication dans la guerre en Afghanistan malgré l’opposition de leurs populations à 68 %, 58 %, 56 % et 54 % respectivement. Et les projets liés au « bouclier antimissile » en Pologne et en République tchèque ne sont pas plus approuvés par la population de ces pays.
La lutte pour des rapports internationaux plus égalitaires, réellement fondés sur le droit international, passe par la dénonciation et, éventuellement, la dissolution de l’OTAN. Au Québec et au Canada, l’opposition à la guerre en Afghanistan et au virage militariste de la politique étrangère canadienne doit s’accompagner de l’exigence du retrait du Canada de l’OTAN, qui est au cœur même de la promotion et de la planification de ces politiques destructrices et antidémocratiques.


[1Paul-Marie de la Gorce, « Retour honteux de la France dans l’OTAN », Le Monde diplomatique, janvier 1996.

[2La France ne quitte pas pour autant le Conseil de l’Atlantique Nord, qui est le principal organe de décision de l’OTAN.

[3Dominique Vidal, « Ce que voulait de Gaulle en 1966 », Le Monde diplomatique, avril 2008.

[4Le déséquilibre des forces au sein de l’OTAN est illustré par le fait que les États-Unis sont à eux seuls responsables de la moitié des dépenses militaires mondiales.

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