Médias sociaux - Enjeux pour la communication

No 52 - déc. 2013 / janv. 2014

Serge Proulx, Mélanie Millette et Lorna Heaton (dir.)

Médias sociaux - Enjeux pour la communication

Philippe de Grosbois

Médias sociaux – Enjeux pour la communication, Serge Proulx, Mélanie Millette et Lorna Heaton (dir.), Presses de l’Université du Québec, Québec, 2012, 264 p.

Quand on porte beaucoup d’attention à ce qui se dit et s’écrit sur l’importance croissante du web social (Facebook, Twitter, YouTube, Tumblr et les autres), on est parfois consterné d’y lire des apologies simplettes de « la révolution Facebook » d’un côté, et des commentaires expéditifs déplorant les effets délétères des médias sociaux de l’autre (j’en énumère pêle-mêle : narcissisme, exhibitionnisme, impulsivité, superficialité, dépendance, réduction des capacités de concentration, appauvrissement de la pensée, omniprésence de l’opinion). C’est pourquoi l’ouvrage Médias sociaux – Enjeux pour la communication, au-delà de son titre un peu beige, constitue une véritable bouffée d’air frais. Les textes qu’on y retrouve, bien que comme toujours de qualité inégale, ont comme point commun le souci d’offrir une analyse riche et nuancée des impacts de ces nouvelles formes de communication sur divers aspects de nos existences : visibilité accrue, socialisation, participation politique, éthique professionnelle.

Serge Proulx entame l’ouvrage avec un chapitre offrant de salutaires distinctions entre web 1.0 et web 2.0 (on utilise aussi les expressions web sémantique et web social) ainsi qu’entre les divers types de médias sociaux. Le chapitre de Dominique Cardon est peut-être le plus éclairant de l’ensemble, par sa manière d’étudier la redéfinition des relations entre public et privé engendrée par les médias sociaux. Les internautes, soutient Cardon, « n’entretiennent pas un rapport binaire avec la définition du public et du privé, mais développent une fine et subtile gradation du montrer et du cacher lorsqu’ils s’expriment sur les réseaux sociaux d’Internet ». Les chapitres sur les mouvements sociaux enrichissent également la réflexion. Normand Landry plaide pour des analyses reliant les luttes sociales par la communication (utilisant de manière intensive Internet et les médias sociaux) et les luttes sociales pour la communication : « Au domaine de recherche solidement établi focalisé sur les processus de mobilisation et de lutte sociales employant des technologies médiatiques, il convient d’ajouter une dimension supplémentaire positionnant la gouverne des technologies médiatiques comme un enjeu de lutte sociale en soi. » Sana Barhoumi offre une présentation très instructive du « bras de fer » qu’a connu la Tunisie dans les années précédant la chute de Ben Ali, « entre une population avide d’information et un État s’opposant fermement à une culture d’échange et à une décentralisation informationnelle », sans toutefois tomber dans le déterminisme technologique : « Facebook n’est qu’un catalyseur des bouleversements politiques », précise-t-elle en conclusion de chapitre. Mentionnons enfin l’analyse par Josianne Millette des effets des médias sociaux sur l’industrie des relations publiques, appelée à se repositionner devant l’importance croissante de la communication « many-to-many  ».

À l’évidence, l’objectif de l’ouvrage n’est pas d’établir des vérités incontestées à propos des médias sociaux, mais au contraire de montrer que face à des transformations que nous commençons à peine à saisir, il y a encore beaucoup à penser et à écrire.

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