La famille conservatrice contre-attaque

No 80 - été 2019

Élections fédérales

La famille conservatrice contre-attaque

Jean-Patrick Reysset

Le 23 avril 2019, nous apprenions que l’Île-du-Prince-Édouard passait du côté conservateur. C’est une tendance lourde puisqu’il s’agit de la quatrième province en deux ans à virer bleu.

L’Ontario, le Nouveau-Brunswick, l’Alberta et maintenant l’Île-du-Prince-Édouard sont passés à la droite conservatrice. En décembre 2018, le magazine MacLean’s affichait en couverture une photo des chefs et premiers ministres conservateurs du Canada (des hommes blancs, anglophones, d’âge mûr) coiffée du titre : « The resistance ».

Au fil de cette « résistance » aux politiques pseudo-environnementales et légèrement plus équitables du gouvernement libéral de Justin Trudeau, les deux seules premières ministres du pays ont perdu leur poste, le PM de la seule province bilingue ne parle pas français et l’industrie pétrolière reprend du poil de la bête, au détriment des communautés des Premières Nations qui peinent déjà à protéger leur territoire. Les communautés minoritaires sont serrées à la gorge et l’économie durable et circulaire recule, malgré les initiatives exemplaires provenant du monde entier.

Le cas québécois

Certes, au Québec, comme toujours, c’est différent. Même si associer directement la Coalition avenir Québec (CAQ) à un parti conservateur canadien relèverait du raccourci intellectuel, il serait néanmoins irresponsable de ne pas procéder à une comparaison. D’un côté, le gouvernement Legault s’est lui aussi donné comme mandat de rendre le travail de Trudeau fils plus ardu (négociation de pouvoirs, rapport d’impôt unique, etc.), ainsi que de défendre la majorité francophone blanche contre ses minorités « menaçant » l’apparence de neutralité de l’État.

La CAQ a par ailleurs bien montré ses couleurs conservatrices à la québécoise depuis son arrivée au pouvoir, notamment dans ce fameux discours de François Legault sur le projet de loi sur la laïcité, où il rappelle qu’« au Québec, c’est comme ça qu’on vit ». Par contre, l’élection de la CAQ au Québec l’oppose tout autant aux autres gouvernements conservateurs du Canada sur les questions des communautés francophones hors Québec et du pétrole albertain.

Le pétrole albertain

« Nous avons besoin de pipelines pour la prospérité de tous les Canadiens, y compris les Québécois », affirmait Jason Kenney dans son discours de victoire à titre de nouveau premier ministre de l’Alberta. Les pipelines et l’enjeu du pétrole albertain sont certainement l’élément principal qui isole économiquement la CAQ de la famille conservatrice canadienne en ce moment. La pression commence à peser sur l’Ouest canadien qui extrait énormément de pétrole des sables bitumineux et qui peine à l’exporter. Avant qu’elle ne se noie dans son propre bain de bitume, l’Alberta de Kenney mettra certainement toute la pression possible sur la Colombie-Britannique (C.-B.) et le Québec pour que la construction d’un oléoduc se mette en branle. Or, l’opposition en C.-B. est forte et bien organisée tandis que François Legault au Québec répète continuellement qu’il n’y a pas de consensus sur son territoire pour la construction d’un oléoduc neuf pour faire voyager le pétrole albertain.

Ainsi, malgré la pauvreté de son plan de transition écologique et ses petites tendances conservatrices à la Duplessis, François Legault a fait l’exploit d’apparaître comme le défenseur de l’environnement au sein de la fédération canadienne.

Une nouvelle ère ?

En somme, rien de nouveau sous le soleil canadien dans les prochaines années. Le Canada et le Québec sont toujours en quête de leur identité politique irréconciliable. La différence majeure, c’est que la casserole du libéralisme, ce statu quo constitutionnel qui devait tenir tous les morceaux ensemble, s’apprête à déborder. Il est très probable que, dès cet automne, toute la population canadienne soit plongée dans une nouvelle ère à la Harper.

Peu importe le résultat des élections à venir, rien ne sera réglé en profondeur tant et aussi longtemps que l’État canadien ne surmontera pas ses contradictions environnementales et constitutionnelles. Tout autre faux compromis aura tôt fait de liguer les provinces les unes contre les autres.

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