Guérir du mal de l’infini. Produire moins, partager plus, décider ensemble

No 85 - automne 2020

Yves-Marie Abraham

Guérir du mal de l’infini. Produire moins, partager plus, décider ensemble

Claude Vaillancourt

Yves-Marie Abraham, Guérir du mal de l’infini. Produire moins, partager plus, décider ensemble, Montréal, Écosociété, 2019, 280 pages.

La décroissance est une idée qui fait peur. Comment peut-on aller ainsi à l’encontre d’un diktat économique aussi partagé et apportant un bien-être matériel à tant de gens ? Yves-Marie Abraham s’est donné la tâche de s’attaquer à cette crainte et de démontrer que c’est l’idée d’une croissance sans fin qui devrait nous effrayer. Il le fait depuis plusieurs années avec constance, et maintenant dans ce troisième livre qu’il a rédigé sur le sujet.

L’auteur procède avec patience et pédagogie. Il connaît bien les réticences devant son grand projet et s’applique à les démanteler habilement. Passage obligé, il nous alarme des effets terribles du réchauffement climatique. Il nous rappelle aussi, comme l’indique le titre de l’ouvrage, à quel point il est impensable de miser sur une croissance infinie dans un monde fini. L’un des aspects les plus intéressants de son argumentaire est le fait qu’il avance que «  la course à la croissance n’est pas inscrite dans une quelconque nature humaine  ». Il démontre que la croissance économique autre que celle générée par la hausse démographique est un phénomène récent dans l’histoire, que l’humanité a très bien vécu sans cette obsession apparue, en fait, vers la fin du XIXe siècle.

Le livre d’Yves-Marie Abraham a aussi le mérite de ne pas tomber dans le piège de la polémique, surtout contre des alliés naturels qui pensent un peu différemment, comme ont tendance à le faire Serge Latouche et ses disciples, en France, eux qui ont beaucoup contribué à faire connaître la décroissance, non sans créer un certain scepticisme par leur agressivité. L’essai d’Abraham est surtout motivé par un sentiment d’urgence : devant les catastrophes qui s’annoncent, les temps ne sont pas à la division. D’où l’idée d’entreprendre une argumentation axée sur de nombreux exemples, sur des faits scientifiques, et qui cherche à rallier les lecteurs et lectrices.

Ceci dit, l’auteur ne craint pas d’adopter les positions les plus radicales. Son projet reste sans compromis. Peut-être ne réussira-t-il pas à convaincre un large public avec des idées comme celle d’éliminer carrément l’entreprise privée. Mais le fait d’y aller à fond ne peut que stimuler le débat. Ce n’est pas en se contentant de solutions tièdes, avec de gros compromis, que nous arriverons à faire les changements considérables qui s’imposent.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème