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Dossier : Municipales 2021. Une autre ville est possible

Élections municipales et mobilisations écologistes

Pierre Avignon, Marie-Eve Leclerc

Plusieurs organisations travaillent d’arrache-pied depuis le printemps dernier pour faire de l’environnement un thème central des prochaines élections municipales. Ce sujet, qui était passé sous le radar il y a quatre ans, est devenu incontournable – ou, du moins, devrait l’être !

Signe que l’enjeu environnemental est important au palier municipal, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) lançait en avril dernier une « plateforme municipale pour le climat » accompagnée d’une déclaration d’engagement pour les futur·e·s candidat·e·s. Quelques semaines plus tard, l’Association des médecins pour l’environnement et l’organisme Santé Urbanité lançaient une campagne intitulée « Je vote pour ma santé » visant à positionner les enjeux d’aménagement urbain et de santé au cœur de la campagne. En plus de ces intéressantes initiatives, deux grandes campagnes de mobilisation citoyenne ont vu le jour : Vire au vert et la Vague écologiste.

Vire au vert

Ce n’est pas d’hier que les grandes organisations environnementales (ONGe) s’intéressent aux élections. Pour la plupart d’entre elles, influencer les politiques publiques fait partie intégrante de leur mission. En période électorale, chacune y va donc de ses propres revendications et tente, du mieux qu’elle peut, de faire valoir ces enjeux dans le brouhaha effervescent qui entoure chaque scrutin.

C’est dans une visée de collaboration qu’Équiterre a initié, en 2018, une conversation avec des allié·e·s en prévision des élections provinciales. L’organisme a donc réuni une dizaine d’ONG du milieu environnemental pour créer une synergie autour de revendications politiques et de stratégies de pression sur les partis et candidat·e·s (ex. rencontres politiques, questionnaires, etc.). Il s’agissait aussi de fournir des outils et de l’accompagnement aux citoyen·ne·s pour leur permettre d’exprimer leurs préoccupations environnementales, tout ça dans le but avoué de les aider à faire un choix éclairé le jour des élections. C’est ainsi qu’est née la campagne de mobilisation citoyenne Vire au vert. C’est d’ailleurs lors de cette campagne électorale qu’est aussi né le mouvement citoyen La Planète s’invite au Parlement, dont a découlé par la suite le projet La Planète s’invite à la mairie.

En 2019, Équiterre a déployé à nouveau ses ressources pour mettre les enjeux environnementaux au cœur des élections fédérales. En plus de faire un travail politique non partisan et de mobiliser les citoyen·ne·s autour de revendications environnementales, Équiterre a accompagné près d’une cinquantaine de groupes locaux issus de 27 circonscriptions francophones : l’organisme les a appuyés dans l’organisation d’un débat sur l’environnement avec leurs candidat·e·s. Cela s’inscrivait dans le cadre d’une initiative pancanadienne élaborée en collaboration avec GreenPAC, qui a donné lieu à une centaine de débats locaux sur l’environnement (soit dans près d’une circonscription sur trois). Cette approche unique et innovante obligeait les candidat·e·s à se prononcer sur les enjeux de climat, de biodiversité, de transition sociale, écologique et énergétique, etc. Les débats sont un excellent moyen de mettre de la pression sur les candidat·e·s puisque ces dernier·ère·s viennent rivaliser pour gagner le vote des électeur·trice·s tout en montrant leur vraie couleur, plus ou moins « verte ».

Forte de l’expertise d’accompagnement développée dans le cadre de l’organisation de ces débats et du succès qu’ils ont rencontré, Équiterre récidive avec Vire au vert pour les prochaines élections municipales en fournissant un accompagnement personnalisé et « clé en main » aux groupes citoyens et aux organisations qui souhaitent organiser un débat avec leurs candidat·e·s. Ces débats se dérouleront partout dans la province dans la semaine du 18 octobre, tout juste avant le vote par anticipation. Pandémie oblige, les débats municipaux auront lieu majoritairement en mode virtuel, mais nous espérons que certains pourront également être tenus en personne.

D’ici là, il est toujours temps de faire part à vos candidats·e·s des 68 propositions ambitieuses de Vire au vert concernant le climat et la transition énergétique. Vous pouvez aussi utiliser les outils proposés par Vire au vert pour faire connaître vos préoccupations locales (voir la « Trousse de mobilisation » sur le site Web de la campagne), et surtout discuter avec les gens autour de vous de l’importance du palier municipal dans l’implantation de la transition sociale et écologique.

Le vent est en train de tourner ! Avec toutes les catastrophes liées à la crise climatique et à la crise de la biodiversité qui se sont produites en 2020 et 2021, on peut espérer que le réveil a sonné pour de nombreux électeur·trice·s et élu·e·s. L’heure n’est plus aux demi-mesures ni aux compromis, mais aux actions politiques courageuses et ambitieuses. Nous avons besoin de gens qui travaillent quotidiennement pour prévenir, guérir, sauver, accompagner, revendiquer à l’intérieur comme à l’extérieur des parlements et instances décisionnelles pour assurer un avenir écologique, sain, sécuritaire et empreint de justice sociale.

Marcher pour manifester c’est bien, mais marcher jusqu’au bureau de vote c’est encore plus efficace !

La Vague écologiste au municipal

On pense souvent, à tort, que les grands changements pour la transition écologique et la crise climatique appartiennent aux paliers de décision supérieurs. Or, le palier municipal est tout près de nous et peut se « revirer de bord » relativement rapidement. Compost, pistes cyclables, transport en commun, parcs : tout cela peut être développé grâce à des décisions prises au conseil municipal. Ce sont également les villes qui vont réagir en premier en cas de catastrophe naturelle comme les inondations dues aux crues ou à des fortes pluies, le passage d’une tornade ou les feux de forêt, tous de plus en plus fréquents avec les changements climatiques.

C’est notamment pour ces raisons qu’un regroupement citoyen a mis sur pied un mouvement original en vue des prochaines élections municipales. Constituée uniquement de bénévoles, la Vague écologiste au municipal veut encourager les personnes avec une fibre écologiste à se présenter sur leur conseil municipal, partout au Québec. La mission de ce groupe est de rendre accessible le projet de se lancer en politique à ce palier particulier. Pour soutenir celles et ceux qui veulent sauter à pieds joints dans cette aventure, la Vague propose des outils, du soutien, des formations ainsi que des espaces de partage et d’entraide pour les candidat·e·s à travers la province. Au moment d’écrire ces lignes, ce nouveau réseau regroupait des personnes candidates et bénévoles dans 96 villes et villages du Québec.

Parmi les candidatures soutenues par la Vague, on recense plus de 50 % de femmes, plus de 70 % de candidat·e·s de moins de 45 ans et 64 % de candidat·e·s et candidates pour lesquel·le·s ce sera la première participation en politique municipale. Il faut savoir que chez les élu·e·s municipaux·ales actuellement en poste, on compte à peine un tiers de femmes, moins de 10 % de « jeunes » de moins de 35 ans et seulement 26 % des personnes de moins de 45 ans.

Toutefois, que ce soit pour influencer les candidat·e·s ou pour pousser les citoyen·ne·s à se présenter, l’encadrement légal demeure strict. Bien que les règles en place visent à juste titre à assurer une transparence dans le financement des partis et des candidat·e·s, elles limitent les capacités d’action des militant·e·s qui souhaitent participer pleinement à influencer les campagnes électorales. Ainsi, les partis politiques de la sphère provinciale ne peuvent pas se mêler officiellement des campagnes, contrairement à ce qui peut exister en France, par exemple. En fait, la loi n’autorise aucun parti municipal à exister dans plusieurs villes ou villages simultanément.

Nous pouvons espérer que les mobilisations en cours permettent d’influencer positivement le résultat et la participation lors des élections, mais il faudra veiller à poursuivre la mobilisation pour pousser les élu·e·s municipaux·ales vers la transition écologique. Il y aura sans doute aussi des leçons à tirer de la campagne pour réfléchir à de possibles réformes de l’encadrement juridique actuel.

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