À quand la création d’Éole-Québec ?

Dossier : L’énergie du désespoir

À quand la création d’Éole-Québec ?

par Évariste Feurtey

Évariste Feurtey

Le Canada vient de décider qu’il ne se conformerait pas aux exigences de Kyoto, qui sont pourtant minimales. Le Québec, se glorifiant d’émettre moins de GES que d’autres provinces, prend une direction similaire avec sa nouvelle politique énergétique axée sur les énergies fossiles (exploration gazière dans le Golfe, port méthanier à Cacouna). Les alternatives d’énergie propre sont sciemment négligées en dépit du fait que contrairement aux énergies conventionnelles, qui voient leurs prix augmenter constamment, les énergies renouvelables ont une tendance de prix à la baisse. Pourquoi ce retard à développer l’énergie éolienne quand on sait que cette industrie a fait ses preuves et qu’elle a « le vent dans les pales » en Europe ?

Une forme de production conviviale

Toute forme de production d’énergie occasionne des impacts négatifs sur l’environnement. Dans le cas de l’éolien, ceux-ci sont minimes. Les éoliennes n’émettent pratiquement pas de GES et occupent seulement 2 % de l’espace au sol, laissant ainsi libre cours à la production agricole ou à la migration des animaux. Autres avantages par rapport aux énergies concurrentes (pétrole, nucléaire, hydro), un parc d’éoliennes peut être installé dans un laps de temps relativement court (2-3 ans) et ses structures légères peuvent être facilement démontées ou renouvelées si les conditions changent. Cette flexibilité rehausse le caractère convivial de l’énergie éolienne. Évidemment, certains inconvénients demeurent, comme la pollution visuelle et la pollution sonore. Cependant l’emplacement judicieux d’un site d’exploitation éolien et l’intégration paysagère optimale sur ce site peuvent minimiser en grande partie ces impacts négatifs.

Le potentiel éolien au Québec

Toutes les études le confirment, le Québec jouit d’avantages incomparables pour le développement de l’énergie éolienne, qui tient à la spécificité même de sa ressource.

Une matière première excellente. Le Québec possède en effet le meilleur potentiel éolien au monde. Le Nord du Québec et la Côte-Nord ont des gisements éoliens de très haute qualité. Les régions de la Gaspésie, du Bas-St-Laurent et du Saguenay-Lac-St-Jean recèlent aussi des vents élevés et constants. La ressource éolienne s’avère plus importante que la ressource hydraulique et est mieux répartie sur le territoire. Actuellement, le potentiel éolien facilement exploitable serait de 138 500 MW, soit 4 fois la puissance annuelle installée par Hydro-Québec.

Le cycle de production mensuel de l’éolien suit la courbe de la demande. En effet, la meilleure période d’exploitation éolienne au Québec se situe en janvier/février, exactement au moment où la demande d’électricité se fait la plus [1]. La distribution saisonnière de l’énergie éolienne est non seulement en symbiose avec la demande au Québec, mais elle complémente l’apport hydraulique, permettant aux barrages de sauver plus d’eau dans les réservoirs.

L’adéquation des grands espaces québécois et de la ressource éolienne qui favorise la dissémination de parcs éoliens sur un vaste territoire accidenté et peu habité. Il est alors possible de trouver facilement des sites exploitables, quasi invisibles, sans impacts négatifs pour les riverains, les habitants ou les touristes. Cette dispersion en des lieux géographiques distincts améliore la souplesse d’utilisation de l’énergie éolienne en réduisant la nécessité de stockage.

La synergie possible de l’éolien avec l’hydraulique. Cette caractéristique est propre au réseau électrique québécois où la demande est concentrée au sud et la production au nord (Baie-James, Côte-Nord). Deux lieux distincts, desservis par deux corridors de distribution hydroélectrique, constituent des atouts majeurs pour faire le maillage avec l’éolien. Et d’autant plus rentables, que ces régions recèlent des potentiels éoliens élevés et que les infrastructures d’accès existent déjà pour la création de parcs éoliens (chemins, déforestation, lignes haute tension).

Les coûts de production

Ces dernières années, l’évolution de la technologie éolienne et les expertises acquises ont permis de réduire sensiblement les coûts de production éolienne. Dépendant de la qualité du gisement éolien, ces coûts tournent en ce moment autour de 9¢ le kWh et moins. Ces coûts sont comparables et même concurrentiels à ceux qu’Hydro prévoit pour ses futurs projets de grands barrages (Eastman 5¢, La Romaine 8¢, Caniapiscau 12¢).

La recherche et le développement fonctionnent à plein régime dans le secteur de l’énergie éolienne. Continuant de perfectionner les techniques d’extraction de l’énergie du vent, on travaille présentement à trouver des solutions pour l’amélioration du stockage, pour accroître l’efficacité du transport de puissance vers un réseau électrique. On étudie le taux de pénétration limite versus la stabilité d’un réseau...

Deux autres facteurs ont une incidence directe sur la baisse des coûts du kWh éolien : les économies de volume que peut apporter un nombre croissant d’installations éoliennes et l’existence ou non d’une industrie nationale de l’éolien. Les expériences en cours démontrent clairement que si la conception, la fabrication en série, l’installation, l’entretien et la formation sont assurés par le pays hôte, alors les retombées sont telles que le prix unitaire du kWh éolien chute grandement (30 % et +). Par ailleurs, la création d’une industrie éolienne au Québec ne peut avoir que des retombées positives sur le développement régional.

L’avenir de l’éolien au Québec

Pour assurer un développement efficace et harmonieux de l’éolien au Québec, nos élus doivent prendre la décision politique de créer une entité autonome au sein d’Hydro-Québec (sinon une Société d’État, genre Éole-Québec) qui aurait comme mandat de promouvoir la sécutité énergétique des Québécoises par le développement intelligent de la filière éolienne au Québec, plutôt que par de nouveaux grands barrages électriques. Mettant à profit les ressources, les installations et les expertises d’Hydro, cette Société de l’éolien pourrait privilégier trois axes majeurs de développement en vue d’assurer l’avenir énergétique du Québec.

Exploiter des lieux où le couplage hydraulique-éolien présente une synergie importante, i.e. près des lignes de transmission ou sur les réservoirs. L’éolien s’avère un partenaire idéal de l’hydraulique, car il permet à ce dernier une utilisation presque optimale de sa production hydroélectrique tout en assurant une régulation maximale de l’eau dans les réservoirs.

Développer l’éolien dans les milieux isolés et non rattachés au réseau électrique (Îles-de-la-Madeleine, villages du Grand Nord). Le jumelage Éolien-Diesel permet une réduction de 30 à 50 % du carburant nécessaire au fonctionnement des groupes électrogènes.

Développer les possibilités de production éolienne communautaire près des lieux de consommation. L’énergie éolienne ainsi produite diminuerait non seulement les coûts de transport et les pertes de tranmission, mais contribuerait grandement à réduire la pression sur le réseau hydro-électrique en période de forte demande, tout en permettant en d’autre temps d’y injecter les surplus non consommés, réutilisables ailleurs.

Le contexte énergétique étant ce qu’il est, l’énergie éolienne ne peut plus être perçue comme « du vent pour doux rêveur », c’est maintenant un choix écologique et économique à faire pour les générations futures. L’éolien au Québec doit être entrevu collectivement comme partie prenante d’un projet politique en faveur d’une autre manière de vivre.


[1En hiver, non seulement la vitesse des vents est plus élevée mais la densité plus forte de l’air froid contribue à accroître les performances des éoliennes.

Thèmes de recherche Ecologie et environnement, Energie
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