L’attaque de Jéricho

No 14 - avril / mai 2006

Israël-Palestine

L’attaque de Jéricho

par Abdirahman Ahmed

Abdirahman Ahmed

À la veille des élections du 28 mars 2006, le premier ministre israélien Ehoud Olmert a ordonné l’attaque d’une prison de la ville de Jéricho afin de capturer le chef du Front populaire de libération de la Palestine (fplp), Ahmed Saadat, et trois autres membres du fplp. Ces hommes, détenus sur l’ordre d’un tribunal militaire palestinien depuis avril 2002, sont accusés d’avoir pris part à l’assassinat du ministre du tourisme israélien, Rehavam Zeevi, survenu le 17 octobre 2001. Ce dernier avait été abattu en représailles à l’assassinat du chef du fplp, Abu Ali Mustafa, quelques mois plus tôt. Rehavam Zeevi, un politicien d’extrême-droite, avait l’habitude de comparer les Palestiniens à des « cafards » et prônait leur « transfert » hors de Palestine…

Saadat, dont l’organisation avait revendiqué l’assassinat, a été arrêté par les services de sécurité palestiniens le 15 janvier 2002 puis détenu dans le quartier général de Yasser Arafat à Ramallah, en compagnie de cinq autres Palestiniens recherchés par Israël. Le 1er mai 2002, ils étaient transférés à la prison de Jéricho, conformément à un accord conclu avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, dont les hommes supervisaient la détention. Mais Ahmed Saadat, contrairement aux trois autres membres du fplp, n’a jamais été condamné ou jugé devant une cour. Sa détention était donc illégale.

Le 3 juin 2003, la Haute Cour de Justice palestinienne a ordonné la libération immédiate de Saadat à la suite d’une pétition soumise par le Palestinian Centre for Human Right de Gaza (pchr) portant sur la légalité de sa détention. Au milieu de rumeurs persistantes – alimentées par Mahmoud Abbas lui-même – qui laissaient entendre une libération prochaine de Saadat, le pchr et des avocats de la firme britannique Hickman & Rose ont déposé, la semaine du 5 mars 2006, une poursuite judiciaire contre le gouvernement britannique pour son rôle illégal dans la détention du chef du FPLP, laquelle viole l’ordonnance de relâche de la Haute Cour de Justice palestinienne et le droit international.

Est-ce cette action judiciaire qui a motivé le départ des Britanniques et des États-uniens, quinze minutes avant l’attaque ? On peut en douter. Plus de 1000 soldats, 80 véhicules et chars, deux bulldozers et deux hélicoptères ont pris part à l’attaque. Les soldats israéliens ont bombardé à coup de mortier et missiles la prison avant d’entreprendre de la détruire mur par mur. Deux membres des services de sécurité de la prison ont été tués et dix-huit autres ont été blessés.

Le lendemain, Ehud Olmert a savouré son coup de force en déclarant aux médias qu’il avait eu le support total de Londres et de Washington pour son raid contre la prison de Jéricho.

Ce coup de force d’Israël s’emparant illégalement de détenus de l’Autorité palestinienne est une véritable humiliation pour Mahmoud Abbas et pour le peuple palestinien qui a vu – comme le monde entier d’ailleurs – ces hommes à moitié nus être traités comme du bétail par une armée d’occupation.

Un an après son élection, le bilan de M. Abbas avec Israël est désastreux : Gaza est plus que jamais étranglée et la Cisjordanie est entièrement réoccupée par Tsahal. Faut-il alors s’étonner que les Palestiniens aient décidé de porter au pouvoir le Hamas, dont les thèses seront vraisemblablement renforcées par ces événements ? Les grandes puissances – dont on attend encore les dénonciations – s’imaginent-elles que c’est ainsi qu’on renforce les démocrates, les progressistes et les laïcs palestiniens ? Le gouvernement israélien et les pays occidentaux ne jouent-ils pas avec le feu, le premier en bloquant l’argent des impôts palestiniens, qui servent principalement à faire fonctionner les écoles et les hôpitaux, les autres en menaçant de couper l’aide humanitaire et financière ?

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