Les mésaventures de la critique

No 51 - oct. / nov. 2013

Franck Poupeau

Les mésaventures de la critique

Yvan Perrier

Les mésaventures de la critique, Franck Poupeau, Éd. raisons d’agir, Paris, 2012.

Cet ouvrage comporte cinq chapitres. Les trois premiers sont consacrés à l’analyse de plusieurs initiatives qui se voulaient au départ des solutions de rechange au capitalisme : l’expérience altermondialiste des années 2000, les utopies communautaires con­tem­poraines et les luttes en Bolivie contre la spoliation des ressources naturelles par les multinationales. L’auteur identifie les limites et les faiblesses de ces mouvements contemporains de résistances.

Selon Poupeau, le mouvement altermondialiste a perdu en influence à cause de sa dépendance envers les médias. Cette dépendance a eu pour effet, selon lui, d’entraîner une perte d’autonomie et a provoqué une distanciation du mouvement d’avec sa base militante.

Il accorde aux utopies communautaires contemporaines le mérite de constituer une alternative au capitalisme. Toutefois, parce qu’elles se tiennent loin des luttes sociales, il leur reproche leur incapacité à passer de l’expérience locale à une organisation sociale globale. Poupeau considère que le modèle de résistance bolivien, qui a généré des appuis dans les classes moyennes et supérieures des pays développés, a été inapte à rendre compte de la situation de plusieurs millions d’individus qui vivent des rapports d’asservissement au travail en Bolivie et à travers le monde.

Dans le quatrième chapitre, Poupeau nous montre comment les spécialistes des sciences sociales se sont barricadés, lors des émeutes dans les banlieues françaises en 2005, dans un rôle d’experts s’inscrivant non pas dans la tradition de la critique sociologique, mais bien plutôt dans celle de la continuité avec les pouvoirs publics. Ce qui correspond, selon notre auteur, à une « sociologie de l’État ».

Les sciences sociales sont invitées ici à construire une critique radicale susceptible de rendre disponibles les savoirs dont les personnes ont besoin pour déjouer les dominations et accéder à des formes de politisation capables de les émanciper.

Enfin, le chapitre cinq débouche sur un manifeste en faveur d’une sociologie critique d’inspiration largement bourdieusienne. Il s’agit là, selon Poupeau, de la seule piste capable de contribuer à la redéfinition d’une critique radicale de la gauche. Autrement dit, la sociologie bourdieusienne est posée comme étant un authentique idéal émancipateur. Je me suis toujours méfié des idéaux libérateurs et émancipateurs

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