Dossier : L’énergie du désespoir

La politique énergétique du Québec

par Gaétan Breton

Gaétan Breton

À la fin de 2004, le gouvernement du Québec publiait son projet de politique énergétique devant faire l’objet d’une commission parlementaire au début de 2005. Cette politique devait remplacer celle qu’avait publiée le gouvernement péquiste en 1998. Elle reprenait d’ailleurs les mêmes lignes de force, faisant des énergies fossiles le centre de la politique et ne mettant nullement l’accent sur les autres formes existantes. Ce faisant, elle se plaçait résolument à la remorque des politiques états-uniennes.

Effrayer et culpabiliser le contribuable

Pour faire accepter à la population une politique semblant aller si ouvertement à l’encontre des intérêts généraux, il faut conditionner le citoyen à accepter l’inacceptable. Maintenant, les gens comprennent les dangers des combustibles fossiles. Pour axer une politique sur leur développement, alors même que la situation de l’environnement imposerait de faire le contraire, il faut poser certaines prémisses.

Ces prémisses sont les prévisions de demande qui sont toujours, terreur oblige, présentées comme inéluctables. Or, une étude longitudinale des prévisions de demande produites par Hydro-Québec depuis deux décennies nous montrerait leur grande élasticité non pas en fonction du prix, mais en fonction du discours officiel du moment. Quand le gouvernement voulait construire le Suroît, les prévisions se firent alarmantes. Pendant ce temps, le même gouvernement n’arrêtait pas d’essayer d’attirer des entreprises énergivores au paradis de l’électricité à rabais (pour les entreprises, bien sûr).

Hydro-Québec a vidé les réservoirs de 2000 à 2004 pour se lancer dans une aventure de courtage et d’exportation ayant eu des effets désastreux sur ses résultats. À la fin de 2004, quand les réservoirs furent vides, le gouvernement nous dit alors que le Québec était devenu un importateur net d’électricité (en incluant tendancieusement Churchill Falls dans ce chiffre). Si les réservoirs étaient gérés correctement et au bénéfice de l’ensemble des Québécoises, ces problèmes n’existeraient pas. Or, la surveillance des réservoirs est l’un des mandats importants dont a hérité la Régie de l’énergie et dont elle s’est bien gardée de s’acquitter.

Évidemment, c’est le citoyen ordinaire qui est pointé du doigt comme étant la cause des problèmes d’Hydro-Québec. Sa courbe de demande n’est pas égale, car il s’entête à chauffer l’hiver plus que l’été. Entre temps, de nouvelles industries (alumineries) à la courbe de demande plate, c’est-à-dire que leur demande demeure la même tout au long de l’année (pour elles, la quantité d’électricité utilisée pour le chauffage demeure marginale comparée aux quantités utilisées dans le processus de production), sont insérées en dessous de la courbe totale poussant celle des consommateurs domestiques vers le haut et faisant crever le plafond de la capacité de production. Bien que n’ayant jamais eu de politique cohérente d’économie d’énergie, Hydro-Québec finance des économistes pour proposer la hausse des tarifs domestiques comme solution afin de discipliner l’usage. Devant ces menaces de hausses de tarifs (mises d’ailleurs en application), le citoyen culpabilise et panique et devient prêt à accepter avec soulagement les solutions qu’on lui propose.

Le gaz : c’est si naturel

La politique précédente stipulait déjà que « les différents objectifs que le gouvernement s’est assigné dans sa politique énergétique interpellent directement les hydrocarbures. » Devrions-nous conclure qu’ils répondent dans cette politique-ci. Le gouvernement péquiste disait aussi «  assurer une utilisation optimale des hydrocarbures signifie que le pétrole et le gaz naturel doivent occuper la place qui leur revient sur les marchés énergétiques du Québec. » Bref, il s’agissait d’une politique totalement insensible aux impératifs environnementaux et totalement complice des procédés états-uniens.

Quant à lui, le gouvernement libéral nous présente la part du gaz naturel dans le bilan énergétique québécois comme étant bien inférieure à celle d’autres régions : « La part du gaz naturel dans le bilan énergétique québécois (13 %), beaucoup plus faible qu’ailleurs au Canada et en Amérique du Nord, suggère qu’on la considère au regard de la substitution dont pourrait éventuellement faire l’objet le pétrole et l’électricité, dans les secteurs résidentiel et industriel notamment. » Pour eux, il n’y a pas là de quoi se féliciter, mais bien un manque à combler. Et comment combler ce manque ? Par l’exploration gazière dans le Golfe du Saint-Laurent : «  Enfin, l’éventualité de trouver du gaz naturel dans le golfe du Saint-Laurent (…) doit être envisagée de manière approfondie (…). » Or, l’exploration gazière, comme il en a déjà été traité dans ces pages, pose des problèmes environnementaux importants. Pour découvrir les gisements, on procède à des sondages sonores dont les effets sur la faune marine demeurent largement inconnus. Ensuite, il n’y a pas d’exemple de forages en mer qui n’aient pas produit de déversements. Quelles côtes allons-nous polluer par de tels déversements et quels effets auront-ils sur la faune et la flore marines ? On nous propose de faire comme d’habitude : exploitons d’abord pour les profits privés et nous ferons payer les dommages aux citoyennes plus tard. Mais jamais on ne répare les dommages complètement, la plupart du temps on ne s’en approche même pas.

Une politique d’exportation

Pendant que nous fonctionnerons au gaz naturel, nous pourrons exporter de l’électricité en plus du gaz. Les États-uniens veulent sécuriser le plus possible les sources d’énergie autour d’eux, afin de les avoir en réserve pour le jour où les sources plus lointaines deviendront plus difficiles d’accès ou seront simplement taries. La politique axée sur les hydrocarbures du gouvernement du Québec ne peut s’interpréter que par une reddition totale devant les diktats, explicites ou non, du gouvernement états-unien. Le document du gouvernement nous dit : « Les exportations constituent une source importante d’enrichissement collectif. (…) Dans plusieurs domaines, elles ont contribué à créer de nombreux emplois, à susciter des investissements et à générer des revenus pour le gouvernement qui ont amélioré le bien-être de l’ensemble de la population. Le secteur énergétique est responsable d’une part significative de ces diverses retombées. »

En réalité, ces politiques d’exportation ne produisent pas les revenus promis. Hydro-Québec a exporté de l’électricité à rabais aux États-Unis pendant que la clientèle captive québécoise payait les frais fixes. Ce n’est que depuis qu’Hydro-Québec a réduit considérablement ses exportations que ses profits se sont mis à monter en flèche. Nous avons donc mis notre environnement en danger afin d’exporter de l’électricité en dessous de ses coûts tout en prétendant, en plus, que ces exportations finançaient la provision d’électricité à la clientèle domestique québécoise alors que c’était exactement le contraire.

Inconséquence environnementale

La politique énergétique du gouvernement répète des paroles reprises, par exemple par Bernard Landry, à l’effet que le Québec ne produirait pas autant de gaz à effet de serre que plusieurs autres provinces. Cela veut laisser entendre que nous pourrions en produire plus. Dans l’optique du document, l’environnement est important quand il ne nuit pas au développement économique : «  (…) requiert de trouver l’équilibre entre la protection de l’environnement et la pérennité des ressources d’une part ainsi que la sécurité énergétique et la croissance économique d’autre part. » Il y a longtemps que l’équilibre est rompu. Nous devons maintenant non pas tenter une hypothétique harmonisation du mode de développement économique avec les exigences environnementales. Nous devons remettre en question tous les modèles de développement et systématiquement éliminer tous ceux ayant des effets négatifs sur cet environnement. Au lieu de faire cela, nos gouvernements remettent le développement économique de plus en plus entre les mains des entreprises privées, lesquelles ne voient que les profits à court terme et n’ont donc aucune intention de respecter l’environnement.

Bref, la politique énergétique du gouvernement libéral, comme celle du gouvernement l’ayant précédé, n’est qu’un ramassis de discours pervers pour nous amener à accepter les exigences états-uniennes et celles des entreprises tout en ayant l’air de nous parler d’environnement. La meilleure chose que l’on pourrait faire pour l’environnement serait de le débarrasser de ces politiciens qui sont, en fin de parcours, les plus grandes causes de toutes sortes de pollution, incluant l’intellectuelle.

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