Le mépris absolu des travailleurs et travailleuses !

No 45 - été 2012

Travail

Le mépris absolu des travailleurs et travailleuses !

Air Canada, Aveos et Harper

Léa Fontaine

En mars dernier, les travailleurs de l’entreprise Aveos ont appris, sans préavis, qu’ils perdaient leur emploi. Leur syndicat, l’Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale (AIMTA), n’avait pas été informé de l’intention des dirigeants d’Aveos de mettre la clef sous la porte. Ainsi, ce sont environ 2 600 employé.e.s qui perdent leur emploi, dont 1 800 à Montréal. Air Canada se défile face à ses responsabilités, tout autant qu’une partie de la classe politique.

Sous-traitance captive

Selon le syndicat, la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada, par laquelle la compagnie aérienne a été privatisée en 1988, oblige la société à «  maintenir les centres d’entretien et de révision dans les villes de Winnipeg, Mississauga et dans la Communauté urbaine de Montréal  ». Le syndicat a sommé Air Canada, mais aussi les gouvernements fédéral et provincial, de prendre la situation en main afin de faire respecter cette législation. À l’origine, Aveos était une division d’Air Canada ; c’est en 2007 que l’entreprise est devenue indépendante et sous-traitante de la compagnie aérienne. L’entretien et la révision des appareils du transporteur aérien représentaient 90 % de l’activité d’Aveos. Ces derniers temps, Air Canada confiait moins d’ouvrages à la sous-traitance, qui était en situation de dépendance économique. Depuis quelques années déjà, elle transférait certaines opérations d’entretien des trains d’atterrissage et des moteurs vers la Chine, notamment.

Air Canada est pourtant bien à l’aise, car elle aurait tendu la main plusieurs fois à l’entreprise sous-traitante afin de lui éviter la faillite. Récemment, elle aurait réitéré une offre d’un montant de 15 millions de dollars sous forme de prêt, destiné à la remettre sur les rails. Aveos estime qu’il s’agit davantage d’un coup de relation publique que d’une offre sérieuse, tant la somme est dérisoire pour ce géant de la flotte aérienne. Aveos préfère continuer à revendiquer l’intervention d’Ottawa pour qu’il protège les emplois au pays en faisant respecter la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada. Par ailleurs, Air Canada considère avoir respecté la législation et ne se sent absolument pas fautive face à la situation. Le gouvernement Harper l’a d’ailleurs confortée dans l’interprétation de la loi de 1988. En effet, le ministère fédéral de la Justice estime qu’il serait difficile de prouver que le transporteur aérien n’a pas respecté la législation dans la mesure où Aveos n’est plus en mesure de répondre aux commandes d’entretien et de révision. Ceci d’autant plus qu’Aveos s’est ces jours-ci placée sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies alors qu’un contrat liait les parties jusqu’à la fin de l’année 2012. Et le ministre fédéral d’ajouter qu’il ne souhaitait pas s’immiscer dans les décisions d’affaires prises par une entreprise privée. Aux dernières nouvelles, Air Canada annonçait que la fermeture d’Aveos et ses démarches de recherche d’un nouveau fournisseur de services pour l’entretien de sa flotte aérienne auraient un impact sur ses résultats financiers, soit une perte d’environ 120 millions de dollars.

Action gouvernementale et travailleuses et travailleurs méprisés

Le ministre québécois de la Justice estime que les tâches effectuées par les travailleurs d’Aveos relèvent de la loi de 1988. Au début du mois d’avril, le gouvernement Charest a mis en demeure Air Canada afin qu’elle honore ses engagements et expose avec précision les actions qu’elle entend mener afin de sauver les 2 600 emplois. Insatisfait de la réponse d’Air Canada, le gouvernement poursuit le transporteur en justice demandant à la Cour supérieure de reconnaître que la compagnie aérienne ne respecte pas ses engagements légaux en matière de travaux d’entretien à Montréal. Le gouvernement québécois a proposé une aide financière au repreneur éventuel d’Aveos et de ses travailleurs. Selon Sam Hamad, ministre du Développement économique, 23 offres de reprise des activités d’Aveos ont été formulées par différents investisseurs.

L’un des représentants de l’AIMTA qualifie la fermeture d’Aveos de « mises à pied sauvages ». Non seulement les travailleurs et travailleuses de Montréal ont-ils été informés de la nouvelle par un simple appel téléphonique de leur superviseur alors qu’à Winnipeg les travailleurs se sont vu demander de quitter l’entreprise sur-le-champ, mais en plus, ils n’ont pas été payés pour le travail déjà effectué. Les travailleurs n’ont pas non plus reçu les documents nécessaires à une demande d’assurance-emploi et se retrouvent sans le sou. La Cour supérieure du Québec a récemment ordonné le versement de près de six millions de dollars en arriérés de salaire aux travailleurs, qualifié de « paiement final et complet des sommes dues et payables » aux travailleurs et travailleuses. Seuls quelques un.e.s ont reçu leurs premières prestations de l’assurance-emploi, accompagnées d’une vérification de l’état de leurs démarches pour retrouver… un emploi.

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