Dossier : Santé - État d’urgence

Cancer du sein

La vague rose

Dossier : Santé - État d’urgence

Magaly Pirotte

L’automne est la saison où l’on se mobilise contre le cancer. On peut « courir pour la vie », acheter des cosmétiques, des mouchoirs ou des champignons labélisés, une poêle à frire rose, indiquer « j’aime » sur une page Facebook… tout cela au nom de la lutte contre le cancer du sein. Les initiatives d’empathie et de solidarité doivent bien sûr toujours être saluées, mais au-delà des bons sentiments, on est en droit de s’interroger : à qui profitent ces campagnes ?

Plusieurs chercheures, féministes, survivantes et militantes ont déjà une opinion fort tranchée sur la question : ces mobilisations profitent très peu aux personnes touchées par cette terrible maladie et, malgré tout ce rose, le cancer du sein continue de tuer, sans aucune tendance à la baisse constatée.

En revanche, ces campagnes doivent être très profitables puisque chaque année de plus en plus de compagnies s’y associent, par exemple Estée Lauder, Poulet Frit Kentucky, Avon, Smith and Wesson (avec ses pistolets 9 mm agrémentés de rubans roses gravés et de crosses roses), KitchenAid et les mouchoirs Scotties. On ne peut que déplorer le manque de transparence quant à la destination des fonds récoltés par la vente des produits « label rose ».

Ce qui est inadmissible, au-delà du fait que les campagnes de sensibilisation soient devenues une industrie en soi, c’est que des produits vendus au nom de la lutte contre le cancer du sein… soient cancérigènes ! Par exemple le parabène, utilisé dans les cosmétiques ou le revêtement des poêles. On comprend aussi, lorsque l’on sait que deux fers de lance de la campagne du mois contre le cancer du sein sont Astra-Zeneca, une pharmaceutique qui produit le Tamoxifène, médicament utilisé dans les traitements, et la General Electric (le plus grand fabricant d’équipement de mammographie au monde), pourquoi la grande majorité des fonds récoltés est investie dans les traitements et le dépistage plutôt que dans la prévention et le soutien aux patientes.

Pourtant, la meilleure façon de lutter contre le cancer n’est-elle pas de le prévenir ? Rien ne changera tant que les gouvernements ne s’engageront pas concrètement à mettre en place des politiques pour protéger la population contre les substances cancérigènes potentielles et connues et à s’attaquer à la réglementation attendue depuis si longtemps pour baliser l’usage des toxines, des pesticides et d’autres substances nocives de plus en plus associées au cancer. La lutte contre le cancer du sein doit aussi être sociale et politique, et non pas abandonnée aux bonnes volontés individuelles et aux intérêts commerciaux de compagnies de mouchoirs ou de champignons.

Cancer du sein ou pas, ce ne sont pas toutes les femmes qui aiment le rose ! Et il existe une multitude de façons d’être solidaires, tout en restant autonomes.

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