Vers une neuvième grève générale étudiante

No 42 - déc. 2011 / jan. 2012

Éducation

Vers une neuvième grève générale étudiante

Alexandre Leduc

En 2010, le ministre Bachand annonçait que pour atteindre l’équilibre budgétaire, une hausse des frais de scolarité de 1 625 $ sur cinq ans allait être imposée à partir de 2012. Dès lors, une importante bataille contre le dégel s’enclenchait et il était clair que la manifestation du 10 novembre 2011 allait être le baromètre ultime qui déterminerait s’il y aurait une grève générale étudiante en 2012 au Québec. Ceux qui avaient parié sur un scénario catastrophe à la 2007 seront déçus. Au total, plus de 200 000 étudiantes ont fait grève ce jour-là. Signe que le mouvement ratisse large, les programmes de gestion, médecine, pharmacie, droit, etc., étaient du nombre des grévistes. Malgré le froid et la pluie, une marée d’environ 30 000 personnes a défilé dans les rues de Montréal. S’est rajouté au contingent étudiant un nombre étonnamment élevé de militantes et militants du mouvement communautaire et syndical.

On peut en bonne partie attribuer le succès de cette manifestation au fait qu’elle était « conjointe », c’est-à-dire qu’elle rassemblait toutes les tendances du mouvement étudiant (autant l’Association pour une solidarité syndicale étudiante [ASSÉ], les fédérations universitaires et
collégiales [FEUQ et FECQ] ainsi que la Table de concertation étudiante). Le parcours laborieux ayant mené à cette coopération n’est pas sans rappeler les difficiles rapprochements à la base de la constitution du premier Front commun du secteur public, en 1972.

C’est l’an dernier que l’ASSÉ lance l’idée d’un Rassemblement national étudiant (RNE). Tenue en mai 2011, cette instance rassemble toutes les associations étudiantes locales du Québec pour parler de lutte contre le dégel. Après de bons débats, le RNE dégage des consensus sur les points suivants : tenue d’une manifestation conjointe, non-dénonciation d’une action des autres organisations, non-négociation avec le gouvernement sans la présence de toutes les centrales étudiantes. Après quelques mois de longues négociations, les différentes centrales étudiantes signent, à l’exception notable de la FEUQ, une entente reprenant les grands consensus du RNE.

Malgré le fait qu’une frange marginale de la gauche étudiante se soit opposée vertement à toute collaboration avec les fédérations étudiantes, les avantages d’une manifestation « conjointe » se sont avérés multiples. D’une part, le gouvernement constate qu’il ne pourra pas compter facilement sur la division du mouvement étudiant comme il l’a toujours fait dans le passé. Personne n’est dupe, l’ASSÉ et les fédérations étudiantes ne s’aiment pas davantage qu’avant le 10 novembre 2011.

Cependant, elles se parlent fréquemment et acceptent maintenant d’envisager certains plans d’action sinon communs, au moins complémentaires. Cela constitue un tabou qu’on vient de lever. D’autre part, la manifestation « conjointe » représente, pour une toute nouvelle génération n’ayant pas connu 2005 ou 2007, un formidable outil de politisation et de motivation. Prendre conscience que rien n’est perdu d’avance et qu’une victoire est possible est un ingrédient essentiel pour le déclenchement d’une grève générale illimitée d’envergure.

Maintenant, quelle est la suite des choses ? Pour l’instant, seule l’ASSÉ appelle à la grève générale illimitée si le gouvernement ne recule pas. Pour mener la lutte, l’ASSÉ reprend la formule qui a marqué la grève de 2005 et élargit sa structure à des alliés qui font également campagne contre le dégel et qui ont l’intention de consulter leurs membres sur la grève générale illimitée. Les autres centrales devront, plus tôt que tard, décider si, elles aussi appelleront leurs membres à déclencher une grève générale illimitée.

En terminant, la perspective d’élections provinciales à l’hiver n’a rien de réjouissant pour le mouvement étudiant. En déclenchant des élections en pleine grève étudiante, Charest pourrait facilement se débarrasser de cette patate chaude et ainsi accentuer les divisions au sein des centrales étudiantes. En effet, oseront-elles poursuivre la grève en pleines élections ? Ce serait du jamais vu. Une réélection du PLQ serait alors certainement fatale à la grève. L’arrivée de François Legault au gouvernement ne serait guère mieux. Que faire alors ? Il est hors de question pour les centrales étudiantes d’appuyer un parti politique, que ce soit QS ou le PQ. Dans tous les cas, les militante et militants étudiants qui préparent la grève doivent dès maintenant commencer à réfléchir à une stratégie advenant le déclenchement d’élections générales en plein conflit étudiant.

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