Contre Harper. Bref traité philosophique sur la révolution conservatrice

No 40 - été 2011

Christian Nadeau

Contre Harper. Bref traité philosophique sur la révolution conservatrice

Jean-Marc Piotte

Christian Nadeau, Contre Harper. Bref traité philosophique sur la révolution conservatrice, Montréal, Boréal, 2010, 166 p.

Philosophe politique, l’auteur applique ses connaissances à l’étude d’un cas concret  : le Parti conservateur canadien de Stephen Harper. C’est de la « philosophie politique appliquée » écrite de façon claire et dont chaque jugement est étayé sur des faits déjà connus par des médias et dont la somme trace un portrait implacable du PCC.

La réflexion de Nadeau part d’une conférence donnée par Harper devant la Société Civitas en 2003 («  Rediscovering the Right Agenda  », Citizens Centre Report Magazine, juin 2003, p. 72-77). Grossièrement résumé, ce dernier y affirme que le véritable et principal enjeu des conservateurs n’est plus d’ordre économique (défense du marché contre l’État), mais d’ordre moral : il faut corriger les mœurs et les comportements, irrespectueux des coutumes et des traditions. Ainsi s’explique le paradoxe des politiques étatiques du PCC  : moins d’État face au marché ; plus d’État face aux déviants.

Deux fois minoritaire, l’autoritaire gouvernement Harper a employé tous les moyens pour bloquer les procédures habituelles qui permettent, dans le cadre des institutions parlementaires, d’exercer un certain contrôle sur le pouvoir gouvernemental. Tant face aux élus que devant les journalistes, il manifeste un manque complet de transparence en censurant l’information. Jouant sur la naturelle rancœur des victimes contre les criminels, adepte du surveiller et punir, il minimise les mesures préventives et de réhabilitation des condamnés, agrandit les pénitenciers et accroît les peines encourues. Défenseur des valeurs familiales et religieuses traditionnelles, mais n’osant, pour des motifs électoralistes, s’attaquer directement aux gais et aux partisanes du libre choix, il le fait de manière détournée, en limitant ou supprimant les subventions aux organismes qui défendent les droits et les libertés, qui soutiennent les arts et les lettres indépendamment des «  bonnes mœurs  » ou qui appuient la théorie évolutionniste contre le créationnisme. Émule d’une politique internationale musclée, il militarise le Grand Nord, multiplie les interventions militaires, appuie avec enthousiasme les politiques guerrières de Benyamin Netanyahu et accroît considérablement le budget militaire au détriment du déficit budgétaire. Je m’arrête ici, ne voulant pas reprendre toutes les actions gouvernementales que Nadeau décortique avec finesse.

Bref, nous sommes face à une nouvelle droite conservatrice, distincte de celle qui l’a précédée  : «  Si le conservatisme canadien était, il y a peu, dans la lignée intellectuelle des mouvances de centre droit, il est aujourd’hui résolument à droite, plus proche des néo-cons américains que de la tradition tory, représentée par Joe Clark. Les conservateurs d’autrefois pensaient en termes de stabilité. Ceux d’aujourd’hui ne rêvent que de changements, pour revenir à un passé lointain idéalisé, peut-être, mais leur but est tout de même de réviser entièrement l’organisation et les lignes directrices du pays.  »

En d’autres mots, les conservateurs contemporains sont des réactionnaires.

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