Le Front commun syndical 2010

No 36 - oct. / nov. 2010

Travail

Le Front commun syndical 2010

Des négociations mi-figue mi-raisin

Jean-Marc Piotte

Le plus vaste Front commun (FC) des centrales syndicales québécoises s’est terminé cet été, quoiqu’il n’était pas plus représentatif que celui de 1971-1972. Sa taille s’explique par le fait que les travailleurs de l’État ont vu leur nombre doublé au cours des 40 dernières années. Une première : les membres du FC ont signé un pacte de non-maraudage liant toutes les parties et se sont entendus sur un cadre stratégique visant à écourter la durée des négociations. Contrairement aux dernières négociations où sévissait à la table centrale Jean-François Munn, ex-conseiller de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), devenu – contre espèces sonnantes et trébuchantes – le bulldog de la partie patronale, la communication entre les deux parties était bonne et les échanges corrects : ce climat détendu s’est répercuté à la plupart des tables sectorielles. Mais comment évaluer le résultat de ces négociations ?

Mi-figue mi-raisin

Sauf pour la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), des ententes ont été paraphées à toutes les tables sectorielles. Il m’est impossible ici d’évaluer chacun de ces accords, mais je comprends très bien que la FIQ tienne mordicus à l’aménagement du temps de travail, à l’augmentation des emplois à plein temps et à la réduction de l’appel aux entreprises privées de placement en soins, propositions que refuse d’envisager sérieusement le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

À la table centrale, le régime de retraite a été amélioré, notamment en protégeant contre les soubresauts du marché le taux de cotisation des salariées. Ainsi, la hausse de celui-ci sera de 0,5 % l’an prochain, alors que 3 % était prévi­sible.

Les augmentations salariales pour les 5 prochaines années sont de 6 %, plus 1 % pour tenir compte de l’inflation. Celle-ci a tourné autour de 2 % les 5 années précédant 2009. Si on ne tient compte que de ces données, les salariées de l’État seront plus pauvres dans 5 ans qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Si l’économie du Québec progresse de plus de 17 % durant les 4 prochaines années, des augmentations salariales supplémentaires pourront atteindre 3,5 %. La croissance de 2010 dépassant actuellement les prévisions budgétaires, les syndiquées peuvent s’attendre à une augmentation de salaire de 0,5 % la troisième année du contrat. Mais étant donné que la croissance du PIB québécois a été de 17,2 % les 4 années s’achevant en 2007 et de 14 % pour celles se terminant en 2008, il est prévisible qu’ils devront faire le deuil d’un 3 % supplémentaire.

Que conclure ?

• Les syndicats des secteurs public et parapublic ont pu négocier la masse salariale dans les années 1970, mais depuis le décret de l’ensemble des conventions collectives par le gouvernement Lévesque en 1983, ils en sont plus ou moins réduits à négocier sa répartition.

• Si les syndicats du Front commun étaient à l’avant-garde des gains syndicaux dans les années 1970, ils sont maintenant, du moins au plan salarial, à la remorque des syndicats du secteur privé.

• Depuis les années 1980, les revenus réels des salariées n’ont guère augmenté, du moins au Québec, au Canada et aux États-Unis, alors que l’économie s’est développée et que les dirigeants ont accru leur rémunération dans des proportions scandaleuses.

• Depuis les années 1976-1983, les coûts de chaque crise économique sont assumés par le peuple, alors que les dirigeants économiques s’en tirent fort bien, dans une conjoncture internationale où les États sont de plus en plus assujettis au marché international libéré et de moins en moins à l’écoute de leur population.

Que faire ?

Malgré cette conjoncture défavorable qui se perpétue, les militants syndicaux ne doivent pas quitter la baraque. Ils doivent d’abord, quelle que soit leur allégeance syndicale, appuyer la FIQ qui demeure au combat et ne doit pas être isolée.

Les syndicats, dotés de ressources non négligeables et stimulés par leurs militants, restent des forces de résistance. En leur absence, le petit dictateur Pierre-Karl Péladeau (PKP) engendrerait bien des émules.

Les militants doivent se battre au sein des syndicats pour qu’ils s’ouvrent aux divers mouvements sociaux qui luttent sur un plan ou un autre contre le système capitaliste et ses maux. Ils doivent critiquer tous ceux qui accordent encore leur faveur à un Parti québécois (PQ) qui, pour des raisons bassement électoralistes et appuyé pas des intellectuels nationalistes de plus en plus conservateurs, cherche à recruter les partisans déçus de l’Action démocratique (ADQ). Le petit, mais dynamique Québec solidaire (QS), en plus de représenter un avenir enthousiasmant, est le seul parti qui mérite notre engagement.

Enfin, la lutte des syndiquées du Journal de Montréal vaut davantage que des bonnes paroles. Ce qui est en jeu est non seulement un type de gestion où le boss impose impitoyablement ses priorités, toutes axées sur la croissance des profits et de l’entreprise, mais un type de médias où l’information est subordonnée à un populisme de droite. Dans la présente conjoncture, on ne peut espérer reproduire les grandes manifestations de 1971 d’appui aux lockoutés de La Presse contrôlée par Paul Desmarais (qui semble maintenant un ami des syndiqués face à PKP !). Toutefois, il faut accorder priorité à cette lutte et à celle de la FIQ, et prendre tous les moyens pour mobiliser les membres en faveur de ces syndiquées.

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