Nos souliers sont usés !

No 21 - oct. / nov. 2007

Pour une tarification sociale dans le transport en commun

Nos souliers sont usés !

par Jean-Yves Joannette

Jean-Yves Joannette

À Montréal, la pauvreté existe toujours. 29 % de la population vit sous le seuil de faible revenu défini par Statistique Canada. 40 % des travailleurs et travailleuses gagnent moins de 20 000 $ par année. 56 % des femmes monoparentales se retrouvent sous le seuil de faible revenu. La majorité des personnes qui subissent la pauvreté, s’en étonnera-t-on, n’ont pas d’auto. Le transport en commun est un service public qui devrait être accessible à tout le monde, indépendamment de nos revenus. Mieux, il devrait être gratuit et financé par des impôts réellement progressifs. La gratuité du transport en commun s’avère également nécessaire dans la lutte contre les changements climatiques. La gratuité favoriserait le passage de l’auto au transport en commun. En plus d’être écologique, une telle mesure serait un exemple de justice sociale.

Pourtant, cette perspective raisonnable qui permettrait aux pauvres et à la planète de respirer mieux ne fait pas partie des solutions envisagées par les pouvoirs actuels. Nos dirigeants investissent avec fébrilité dans la construction d’un nouveau pont, dans l’élargissement et la prolongation d’autoroutes et dans toutes les voies rapides vers la catastrophe écologique.

Pendant ce temps, les autorités publiques continuent de sous-financer le transport en commun et de réduire leurs contributions. Ainsi, le gouvernement Québec a fait passer la sienne de 33,5 % à 10 % et Montréal de 45 % à 34 % et sans gêne ont forcé les usagers à accroître leurs contributions dans le financement du réseau. Ainsi, la part des usagers du transport en commun est passée de 36 % en 1991 à 49,7 % en 2006. Comment s’étonner alors de baisse d’achalandage ?

Les tarifs augmentent, l’achalandage diminueet les pauvres usent leurs souliers

Les tarifs dans le transport en commun ne cessent d’augmenter. Ils s’ajoutent aux autres pressions sur le budget des ménages : du panier d’épicerie aux hausses de loyer, d’électricité et de chauffage. Tout augmente, sauf les revenus. Les salaires ne suivent pas la hausse du coût de la vie ; le salaire minimum ne permet pas de s’élever au-dessus du seuil de pauvreté. Les prestations de l’assurance-emploi ont été réduites et les prestations accordées aux personnes assistées sociales sont toujours dérisoires. Depuis 2001, le coût de la CAM a augmenté de plus de 34 %.

Dans ce contexte, les pauvres « ménagent leurs transports ». En 1980, le coût de la CAM s’établissait à 12 % du revenu d’une semaine de travail (35 heures au salaire minimum), alors qu’en 2006, l’achat d’une CAM en représentait 24 %.

Ces augmentations continuelles des tarifs de transport en commun ont des conséquences concrètes chez les personnes à faible revenu. Plusieurs marcheront de longues heures pour consulter leur médecin, pour chercher un emploi, pour suivre un cours, alors que d’autres resteront confinés à la maison ou couperont sur d’autres besoins essentiels.

Plusieurs organismes communautaires constatent que plusieurs de leurs membres ralentissent leur participation faute d’avoir les moyens de se déplacer. Au printemps 2006, la Direction de la santé publique émet un rapport (Le transport urbain, une question de santé) concluant que l’inaccessibilité au transport en commun, en raison du faible revenu, contribue à l’exclusion social : « Les inégalités dans l’accès au transport risquent donc d’entraîner par la force des choses des inégalités sur tous les autres plans ».

De la nécessité d’une tarification sociale

Parce que le transport en commun est un service public qui doit rendre disponible un service public, même à ceux et celles qui n’ont pas des chars de revenu ;
parce que le coût du transport en commun représente un obstacle important à son utilisation ;
parce que les personnes à faible revenu ont, elles aussi, le droit de se déplacer ;
parce que la ville doit être accessible à tout le monde.

La TROVEP de Montréal revendique à court terme une tarification sociale dans le transport en commun pour ceux et celles vivant sous le seuil de faible revenu. Ainsi, avec une tarification sociale, les coûts qu’auront à débourser les personnes à faible revenu devraient être de 22,25 $ pour la CAM, de 5 $ pour la lisière (de six billets) et de 1 $ pour le passage simple.

La tarification sociale dans le transport en commun n’est pas une utopie. En France, certaines villes, comme Lyon, offrent un tarif réduit de 50 ou 75 % pour les sans-emploi. D’autres villes, comme Lille, proposent une carte gratuite pour les demandeurs d’emploi. On retrouve même semblable mesure… en Alberta (Canada) : à Calgary, alors que le tarif régulier est de 75 $, la ville offre, depuis 2005, un tarif social à 37,50 $.

Depuis l’automne 2006, en portant la préoccupation du coût du transport en commun, la TROVEP de Montréal a touché un aspect sensible des conditions de vie des personnes à faible revenu. L’intérêt des participantes des groupes membres pour la revendication d’une tarification sociale est porteur de mobilisation, comme en témoigne la présence de quelques centaines de personnes lors d’une manifestation organisée par la TROVEP, lors de la journée « En ville, sans ma voiture ! » le 20 septembre 2007. C’est sous le thème « Nos souliers sont usés » que nous exigeons que le transport en commun rende la ville accessible.

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