Dossier : Nos services publics, (…)

Lutte contre la tarification

Un rendez-vous avec l’histoire

Nos services publics - Un trésor collectif en péril

Véronique Martineau, Christian Pépin

La crise économique aurait mis le Québec dans le rouge. Le déficit serait sidéral, évalué à 4,7 milliards $. Afin de renflouer les coffres de l’État, le Parti libéral du Québec (PLQ) propose sans grande surprise une tarification plus élevée et plus développée des services publics. Réunis en Conseil général les 26 et 27 septembre 2009, ses membres ont voté, entre autres, en faveur de l’augmentation des tarifs d’hydro-électricité, de l’instauration des droits de scolarité au collégial et des péages sur les autoroutes.

Ainsi, les Québécois et les Québécoises devront se serrer la ceinture, sans exception ! Heureusement, de nombreuses organisations populaires, communautaires, syndicales et féministes ont tout récemment fondé une coalition afin de contrer le nouvel assaut du gouvernement en matière de tarification et de privatisation des services publics. Un printemps chaud s’annonce, et des élans d’espoir prennent forme.

La crise après la crise

L’idée d’avoir recours à une tarification plus élevée des services publics n’est pas nouvelle. Depuis 2004, les tarifs d’Hydro-Québec ont déjà augmenté de 20 % [1]. Comme si cela ne suffisait pas, c’est principalement avec une nouvelle augmentation substantielle des tarifs d’électricité que le gouvernement souhaite rembourser les dettes du Québec. Selon les nombreuses allusions faites par le ministre des Finances, Raymond Bachand, depuis l’automne dernier, nous pouvons anticiper que celle-ci représente l’attaque la plus imminente. Pour leur part, les tarifs dans les transports en commun ont connu une hausse de 29,2 % entre 2000 et 2006 [2]. L’accès aux Centres de la petite enfance (CPE) n’avait également pas été épargné par cette logique lorsque les tarifs ont été augmentés par les Libéraux de 5 $ à 7 $ par jour.

En plus de ces récentes attaques à l’accessibilité de ces services publics essentiels, le gouvernement ne cesse de menacer le droit à l’éducation. Rappelons que le gouvernement du Québec a imposé un dégel des frais de scolarité universitaires qui passeront de 1 668 $ en 2007 à 2 168 $ en 2012 annuellement. De plus, le plan de redressement de l’UQAM, élaboré avec des chiffres que Claude Corbo aurait reçus du ministère de l’Éducation, prévoit que la hausse des frais de scolarité de 100 $ par année se poursuivra après 2012 [3]. Le scénario le plus inquiétant est une déréglementation des frais de scolarité. En plus des frais de scolarité, le droit à l’éducation est menacé par une hausse continuelle des frais afférents dans les universités et les cégeps.

Ainsi, l’instauration de la logique du privé dans les services publics et les programmes sociaux prend de plus en plus d’ampleur au Québec. Derrière cette logique de tarification de plus en plus insidieuse se profile le projet de privatisation et de marchandisation des services publics. À force de considérer ces services comme des marchandises qui se monnayent à des prix de plus en plus élevés, les entreprises à la recherche de nouveaux débouchés rêvent à l’idée de saisir ces occasions de profit, qui représentent des revenus potentiels de plusieurs dizaines de milliards de dollars. De toute évidence, cette logique est structurelle et non événementielle. Ainsi, seule la construction d’un front commun combatif et permanent permettra de mettre un terme à ce saccage.

Pour un réel front commun, permanent et basé sur la lutte

Face à cette nouvelle menace d’augmentation des tarifs dans les services publics, de nombreuses organisations ont répondu à l’appel du Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec et ont fondé la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, formée de plusieurs groupes de pression et organisations étudiantes, communautaires, syndicales, de divers horizons. Sur le plan des revendications, cette coalition propose de financer adéquatement les services publics et les programmes sociaux dans une perspective de lutte contre la privatisation et la marchandisation du bien commun. Pour la coalition, ce financement doit se faire par une fiscalité plus progressive. De plus, cette coalition s’oppose aux hausses de tarifs de l’électricité résidentielle et des services publics, particulièrement les services de santé et les services sociaux, l’éducation, les garderies et les transports collectifs. Une majorité d’organisations considère que l’accent doit être mis sur la mobilisation et l’escalade des moyens de pression. Reste à voir si cette coalition restera fidèle à ses ambitions de départ.

Trop souvent, la lutte politique se restreint à des communiqués de presse conjoints ou à des campagnes de lettres aux députées. En soi, ces moyens peuvent être des plus légitimes, mais leur pertinence et leur écho politique dépendent de leur enracinement dans une véritable escalade des moyens de pression. Cette logique prescrit qu’à chaque étape de notre combat, nous devons faire comprendre au gouvernement que s’il ne renonce pas à ses politiques antisociales, la lutte ne pourra que s’intensifier, compromettant de plus en plus la paix sociale.

Dans le prolongement des coupes draconiennes du Parti québécois et de Lucien Bouchard en 1996, la lutte au déficit zéro reprend de plus belle avec de nouveaux assauts des plus inquiétants. Nous nous retrouvons à un point tournant de notre histoire : ou nous acceptons que soient détruits nos mécanismes de distribution de la richesse, ou nous freinons ce saccage, qui profite aux plus riches et à de puissantes corporations. Par le passé, nous avons acquis de nombreux droits économiques et sociaux par la lutte, et il nous faut les conserver par la lutte. Osons espérer que nous serons à la hauteur des défis qui nous attendent et que nous ne serons pas contraints au final à revivre un autre rendez-vous manqué...


[1MÉPACQ, C’est (encore) à vous de payer pour la crise, Non aux hausses de tarifs !, p. 6.

[2Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, Les répercussions des hausses tarifaires sur les conditions de vie des personnes à faible revenu, Québec, février 2008, p. 14.

[3Nadeau-Dubois, Gabriel, « Hausse des frais de scolarité après 2012 ? Un dégel n’attend pas l’autre », Ultimatum (Montréal), p. 1.

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