Une question de cohérence

No 26 - oct./nov 2008

Gagner sa vie sans la perdre

Une question de cohérence

Jean-Marc Piotte

Le rapport du Comité exécutif de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) présenté lors du 62e congrès, en avril dernier, esquisse une analyse de la conjoncture et propose des éléments d’un projet de société qui le distingue favorablement du rapport du précédent congrès qui se limitait au b-a-ba du syndicalisme. Il se différencie également des rapports du tandem Larose/Paquette qui étaient tellement transis de nationalisme que s’y diluaient les objectifs spécifiques du mouvement ouvrier. Ce nouveau rapport sera-t-il suivi de débats et d’actions conséquentes ?

Hélas ! les propositions conformes au rapport du comité exécutif n’ont pu être discutées en ateliers, la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS) accaparant le temps prévu à cette fin pour demander que les professionnels œuvrant en santé et dans les services sociaux soient sous sa tutelle lors des prochaines négociations. Pourtant, les dirigeantes et les militantes de cette fédération auraient dû tenir compte de l’expérience des 35 dernières années qui montre que la volonté hégémonique de ce mammouth syndical a été la première cause de désaffiliation de syndicats du secteur public et parapublic. Le Conseil central du Montréal métropolitain, qui a jadis joué un rôle déterminant d’agitateur au sein de la centrale, a été particulièrement timide durant le congrès. Comment la CSN peut-elle se mettre en mouvement si les enjeux de la présente conjoncture ne sont pas débattus ?

Quelques propositions

Plusieurs propositions méritaient d’être discutées dont celles sur la santé. Le gouvernement libéral, avec le partenariat public-privé (PPP), veut privatiser le plus possible le système de santé, conformément à l’idéologie néolibérale selon laquelle l’État doit être au service du marché, le public assujetti au privé, le bien commun subordonné aux biens privés. La CSN affirme favoriser les «  alliances les plus larges possible » dans la lutte pour un régime public et universel de santé. Pourquoi ne prend-elle pas l’initiative d’un vaste front commun regroupant, en plus de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), les syndicats regroupés dans le Secrétariat intersyndical des services publics (SISP), les fédérations et syndicats indépendants, dont la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et les organisations communautaires concernées ?

En éducation, elle recommande essentiellement le réinvestissement dans le système public, sa revalorisation et le refinancement de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). La CSN aurait pu être moins timorée et exiger l’intégration progressive des établissements privés au secteur public, afin de faire disparaître un système qui entretient l’écart entre les démunis et ceux qui sont nantis en ressources financières, culturelles et éducatives.

Trois séries de recommandations appellent l’engagement des syndicats locaux. En environnement, en plus d’inciter à des politiques d’achat responsable (PAR), la CSN suggère différentes initiatives qui requièrent l’implication locale. Au plan international, elle promet, entre autres, de mener « une campagne auprès des syndicats affiliés pour obtenir leur adhésion à Alliance syndicats et tiers-monde ». Contre la précarisation du travail, elle convie les syndicats à combattre les « pratiques discriminatoires basées sur les statuts d’emploi ».

Passer à l’action

Pour que ses recommandations soient suivies, la CSN devra outiller les syndicats locaux de documents qui expliquent les maux à combattre et les moyens d’y parvenir. La CSN dispose-t-elle du personnel requis pour produire de tels documents ? J’en doute, car la conscience de classe ne semble pas un critère d’embauche. Beaucoup de patrons n’engagent des employées que lorsqu’ils sont assurés qu’ils ne sont ni prosyndicaux ni contestataires. Est-ce trop demander à nos dirigeants syndicaux qu’ils aient une conscience de classe aussi développée que celle des dirigeants d’entreprise et que le critère de conscience syndicale, sociale et politique soit discriminatoire dans le recrutement de leurs salariées ? La CSN n’a plus de comité d’éducation. Comment la Confédération peut-elle implanter ses politiques si elle ne dispose pas de ressources éducatives ?

Il ne faut pas désespérer. Il faut questionner, susciter des débats et exiger des pratiques conformes aux paroles.

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