Scène politique québécoise ; où va-t-on ?

No 41 - oct. / nov. 2011

Politique

Scène politique québécoise ; où va-t-on ?

Jean-Marc Piotte

La scène politique est confuse. Le Bloc québécois disparaît presque complètement de la scène fédérale, tandis que le Nouveau Parti démocratique (NPD) devient le parti canadien le plus représentatif de la population québécoise. Sur le plan provincial, le Parti québécois (PQ) est en déroute avec la démission de députés, dont le médiatique Pierre Curzi et l’expérimentée Louise Beaudoin, le Parti libéral du Québec (PLQ) garde sa tête hors de l’eau grâce aux malheurs de ce dernier et l’appui jusqu’ici indéfectible des circonscriptions jouissant d’une forte proportion d’anglophones, l’Action démo­cratique du Québec (ADQ) fait du sur place, tandis que Québec solidaire (QS) prospère dans la foulée des positions fermes défendues par Amir Khadir. Dans l’ombre s’agite François Legault qui voudrait bien devenir chef d’un nouveau parti.

Deux causes expliquent ce remue-ménage. L’une est la mondialisation qui a grandement réduit, sans les abolir, les marges de manœuvre des États. Dans cette nouvelle situation, la plupart des partis traditionnels des pays industrialisés, qu’ils soient du centre, de droite ou de gauche, se contentent de lutter pour remporter les élections, se fiant aux sondages et aux campagnes de marketing, les intérêts de l’appareil et des élus submergeant ceux de la population. La Grèce et l’Espagne en font malheureusement la démonstration où ce sont des partis traditionnellement progressistes qui, contre les mouvements sociaux et syndicaux, font payer au peuple la crise engendrée par les barons de la finance.

Le mouvement souverainiste en question

L’autre cause est la faiblesse du mouvement nationaliste qui, depuis que le PQ y exerce son hégémonie, n’a jamais défendu l’indépendance, mais la séparation assortie d’une union, espérant séduire une majorité de la population qui désire pour le Québec plus de pouvoirs, sans se résoudre à couper tous les liens fédéraux. En 1995, après l’échec du Lac Meech et malgré le front uni des nationalistes de toutes tendances (de l’adéquiste Mario Dumont au péquiste Parizeau, en passant par le miraculé conservateur Lucien Bouchard), la majorité n’a pas été atteinte. Certains, dans la foulée de la déclaration de Parizeau, attribuèrent cette défaite aux « ethniques », proposant un retour à la vieille nation canadienne-française au fondement de la nation québécoise, diffusant un discours néoconservateur, implicitement anti-immigrants, au lieu de multiplier les ouvertures dans la continuité et l’esprit de la loi 101. La crise de ce mouvement souverainiste est profonde et ne sera pas résolue de sitôt, mais les revendications nationales demeureront, quoi qu’espèrent les fédéralistes qui, dans l’optique de Pierre-Elliot Trudeau, voudraient bien qu’on revienne aux « vraies choses ».

Le Bloc affirmait défendre, en attendant l’indépendance, les intérêts de la nation québécoise à Ottawa et, malgré la sensibilité sociale-démocrate du tandem Duceppe et Paquette, n’a pas vraiment cherché à créer des liens avec les forces progressistes canadiennes. Le NPD va-t-il réussir à concilier les intérêts nationaux de ses députés québécois avec ceux du reste du Canada ? On peut en douter. Mais il ne peut faire pire que le Parti libéral du Canada (PLC) qui, depuis l’ère Trudeau, a vécu sur le dos du mouvement de libération nationale québécois ou le Parti conservateur canadien (PCC) qui ne s’est distingué du PLC que par des propositions à caractère symbolique.
Le PQ, depuis sa première victoire électorale, est toujours hanté par le même dilemme : les militants veulent l’indépendance le plus tôt possible, tandis que la direction, quelle qu’elle soit, désire une victoire électorale, espérant, on ne sait quand ni comment, un référendum gagnant. Curzi, Beaudoin, Lapointe ou Duceppe, à la place de Pauline Marois, ne changeraient guère cette faille au cœur même du mouvement souverainiste.

La défaite du Bloc, les démissions au PQ, le passage de l’ADQ d’une position quasi souverainiste à sa naissance à une autonomie duplessiste, puis à une position fédéraliste avec Gérard Deltell, plus la volonté de l’ex-péquiste Legault de former un parti qui renvoie la souveraineté aux calendes grecques sont trop de signes convergents de la déroute du mouvement souverainiste.

La Coalition pour l’avenir du Québec de Legault-Sirois, qui propose des positions de droite sur les services publics tout en favorisant un retour au Québec inc. contraire aux positions de l’ADQ [1], jouit d’une bulle médiatique qui risque de se briser lorsqu’elle investira directement la scène politique. Cependant, si elle réussit à rallier le Réseau Liberté-Québec et l’ADQ, la nouveauté de son image lui donne la possibilité de gagner les prochaines élections.

Désespoir et espoir

Évidemment, cette victoire serait un désastre qui amplifierait celui d’un PCC majoritaire.
Espérons que QS continuera de défendre des positions fermes, qu’il développera son programme et fera élire de nouveaux députés. QS peut s’appuyer sur un mouvement féministe toujours présent et un mouvement écologiste en expansion. Malheureusement, l’ensemble du mouvement syndical est plutôt pusillanime, s’accrochant encore aux basques du PQ, comme l’illustrent tristement les positions des Syndicalistes progressistes. QS doit rejoindre les militants syndicaux et communautaires qui reconnaissent que l’avenir d’un Québec progressiste ne repose définitivement pas sur le Bloc et le PQ.


[1«  Relancer Québec inc.  » de Pierre Beaulne, Le Devoir, 16 juin 2011

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