Dossier : Le droit à la ville

Prendre les clés de la ville

par Luc Rabouin

Luc Rabouin

En ce début de XXIe siècle, qui a vu la population mondiale habitant en milieu urbain franchir le seuil du 50 %, les mouvements sociaux s’organisent et articulent leurs actions transformatrices aussi à l’échelle de la ville, tout en demeurant en liaison avec le monde. Les échelles locales et globales sont maintenant imbriquées. Tout près de nous, le Centre d’écologie urbaine de Montréal a tenu, depuis 2001, quatre Sommets citoyens afin d’offrir un espace autonome de débat public sur l’avenir de Montréal.

Ces Sommets citoyens visent la construction d’une ville écologique et démocratique. La première prémisse de base affirme que la ville appartient aux citoyennes et aux citoyens qui doivent, en conséquence, détenir des espaces de participation leur permettant d’influencer les décisions relatives à l’avenir de leur cité. La seconde prémisse présente la ville comme un espace politique de premier plan qui mérite d’être investi par les mouvements sociaux porteurs d’un projet de société fondé sur des valeurs de justice sociale, d’égalité, de solidarité, d’écologie, de paix et de démocratie. D’ailleurs, lors de la conférence d’ouverture du 4e Sommet citoyen tenu en juin 2007, Mme Saskia Sassen, auteure de nombreux ouvrages de référence dont The Global City et Cities in a World Economy, a insisté sur l’importance stratégique des villes dans le contexte actuel. « Cela n’a pas toujours été le cas dans l’histoire, mais aujourd’hui les villes constituent l’espace politique stratégique le plus important. Elles sont à la fois le lieu d’ancrage du capital mondial et le terrain sur lequel s’organisent les groupes désavantagés de la société. »

Le premier Sommet citoyen sur l’avenir de Montréal, tenu en 2001, a été organisé avec très peu de ressources et a rassemblé un peu plus de 200 personnes. Le 2e Sommet citoyen tenu en mars 2002 a rassemblé plus de 400 personnes. C’est à ce moment que le Centre d’écologie urbaine de Montréal a mis sur pied un Groupe de travail sur la démocratie municipale et la citoyenneté (GTDMC) dans le but de concrétiser certaines idées issues des Sommets citoyens.

Le 3e Sommet citoyen intitulé, Vers la démocratie participative – Un agenda citoyen, s’est déroulé en septembre 2004 et a rejoint plus de 500 personnes. Il a mis en avant une proposition d’Agenda citoyen pour la démocratie participative à Montréal élaboré par le GTDMC dans lequel on peut notamment y lire : « Notre vision de la démocratie est inclusive et globale et elle repose sur des valeurs comme l’égalité et la justice sociale, l’équité et la solidarité. À Montréal, nous croyons qu’il est nécessaire de démocratiser la démocratie. »

Tout récemment, c’est près de 600 personnes qui ont participé au 4e Sommet citoyen de Montréal qui s’est tenu du 1er au 3 juin 2007. Cet événement a été coordonné par le GTDMC du Centre d’écologie urbaine de Montréal, mais cette fois-ci il a été organisé en collaboration avec une quinzaine de regroupements et d’organismes des milieux syndical et communautaire montréalais et le Service aux collectivités de l’UQAM. 

Ce dernier sommet était une invitation à « prendre les clés de la Ville » ! On y a réaffirmé le droit et la légitimité des citoyenes et des organismes communautaires de prendre part au débat sur les projets de développement qu’on implante dans leurs milieux, afin de ne pas laisser ces décisions dans les mains des élites économiques et politiques.

Lors de la clôture de l’événement, M. Dimitri Roussopoulos, fondateur du Centre d’écologie urbaine de Montréal, a lancé l’invitation pour un 5e Sommet citoyen qui « se tiendra six mois avant les prochaines élections municipales ». On pourrait saisir l’opportunité d’élections municipales à la même date à travers tout le Québec, afin de tenir en simultané quelques sommets qui mettraient de l’avant un Agenda citoyen commun.

Les quatre Sommets citoyens de Montréal ont notamment mené à l’adoption de la Charte montréalaise des droits et responsabilités par la Ville de Montréal en 2006, à l’élaboration d’un Agenda citoyen pour la démocratie participative, ainsi qu’à l’implantation d’un premier budget participatif au sein de l’arrondissement Plateau-Mont-Royal. Lors du dernier sommet, les participantes aux ateliers ont identifié les conditions essentielles à leur appropriation de la ville en matière de développement économique, de développement durable, d’aménagement et d’urbanisme, et enfin, de démocratie. Appelé symboliquement les clés de la ville, cet outil d’éducation populaire identifie concrètement les pistes et les moyens à explorer pour mieux renforcer la prise de la ville par les citoyenNEs.

Au Québec, l’appel au droit à la ville, lancé par le sociologue français Henri Lefebvre dans les années 1960 et repris par des mouvements urbains de différentes villes du monde, a été entendu. Ces initiatives, qui visent l’appropriation de la ville par les citoyennes organisés et non organisés, s’inscrivent dans une histoire de luttes urbaines menées dans les villes du Québec depuis les années 1960. Le contexte dans lequel ce mouvement émerge est cependant fort différent de celui des années 1960. Cela exige de renouveler nos analyses et nos pratiques. La démocratie urbaine se construit non pas exclusivement au sein de l’institution municipale, mais bien dans plusieurs espaces formels et informels de façon plurielle. À nous maintenant de prendre la ville !

Agenda citoyen pour la démocratie participative à Montréal

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