Pas de pays sans paysans. Souveraineté alimentaire ou agrobusiness ?

No 12 - déc. 2005 / jan. 2006

Cinéma

Pas de pays sans paysans. Souveraineté alimentaire ou agrobusiness ?

Un film d’Ève Lamont

Karine Peschard

Ève Lamont, Pas de pays sans paysans. Souveraineté alimentaire ou agrobusiness ?, Documentaire, Canada, 2005, 90 min., français

Défricheurs des champs du possible

Pas de pays sans paysans, de la documentariste et camerawoman indépendante Ève Lamont, raconte les dérives de l’agriculture productiviste. Une image résume à elle seule tout l’absurde d’un système où la spéculation boursière contrôle jusqu’aux quotas de production : un producteur laitier forcé de déverser dans son champ tout le lait produit en surplus des quotas. Le comble, comme l’explique ce dernier, est qu’on oblige les vaches, à grand renfort d’hormones, à produire jusqu’à 50 % plus de lait qu’elles ne le feraient normalement.

Appliquée à l’agriculture, la logique perverse de la productivité et de la rentabilité entraîne son cortège de maux : disparition des fermes familiales, contamination des sols et des cours d’eau, perte de la biodiversité, perte d’autonomie des agriculteurs et contrôle accru des firmes transnationales sur l’ensemble de la chaîne d’alimentation. Également troublante est l’absence de recherche indépendante et le fait que les agences gouvernementales responsables de la réglementation soient trop souvent à la fois « juge et partie ».

La narration, minimaliste et très personnelle, accorde une grande place – aux côtés des incontournables José Bové, Percy Schmeiser et compagnie – aux témoignages de petits agriculteurs et éleveurs qui décident, à contre-courant et sans aide gouvernementale, de revenir à un mode de production agricole à échelle humaine. Des agriculteurs qui refusent d’être des « exploitants » ou des « producteurs », mais bien des fermiers et des éleveurs.

Ève Lamont documente ces luttes, du procès de Percy Schmeiser au recours collectif d’agriculteurs biologiques de la Saskatchewan contre les multinationales Monsanto et Bayer CropScience, en passant par le mouvement des « faucheurs volontaires d’OGM » en France et par le mouvement pour un Vermont libre d’organismes génétiquement modifiés (OGM).

Le documentaire se clôt sur les paroles d’une chanson inédite d’Urbain Desbois : «  Tous les égouts vont dans la nature / Et trop de blé dingue / Rend les vaches folles / Dans les champs d’épuration / Elles batifolent […] Un jour, les gens comprendront / Que si l’argent n’a pas d’odeur / Il n’a pas tellement de goût non plus / Et c’est bien dommage / Car c’est tout ce qui nous restera à nous mettre sous la dent. »

Pas de pays sans paysans est présenté à l’Ex-Centris, à Montréal, du 18 novembre au 1er décembre, et au Cinéma Le Clap, à Québec, du 25 novembre au 1er décembre. À compter du 1er décembre, le documentaire sera en tournée à travers le Québec.

Pas de pays sans paysans sur le site de l’ONF

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