Dossier : La gauche au Québec, (…)

Dossier : La gauche au Québec, entre la gauche et les urnes

Le vote stratégique

Un vote contre la démocratie

Sébastien Robert

Que ce soit au niveau provincial ou fédéral, plusieurs dirigeants de partis politiques appellent l’électorat à voter pour leur parti de façon « stratégique » lors des campagnes électorales. On cherche ainsi à convaincre les électeurs et électrices de voter contre le parti dont ils ne veulent pas plutôt que de voter pour celui qu’ils préfèrent. Ces appels conduisent néanmoins à étouffer les alternatives politiques naissantes et à limiter le débat politique.

Notre système électoral actuel, où un parti peut gagner un siège sans avoir l’appui de la majorité des électeurs, crée plusieurs distorsions entre la volonté populaire exprimée et la représentation des partis dans les parlements. Par exemple, avec 6 % des votes exprimés aux dernières élections, Québec solidaire n’a obtenu que deux sièges, soit 1,6 % de l’Assemblée nationale. Alors que les élections devraient permettre de représenter l’opinion de la population, les appels au vote stratégique visent à exploiter les distorsions de notre système électoral à des fins partisanes et détournent donc notre démocratie de son objectif.

D’ailleurs, les promoteurs de cette idée s’opposent habituellement à réformer le mode de scrutin pour abolir ces distorsions, de crainte que les votes stratégiques pour leur parti se transforment en votes de conviction pour un autre parti.

Chaque circonscription est différente

Nos élections générales sont en fait autant d’élections partielles simultanées qu’il y a de circonscriptions. Le vote d’un électeur n’influence que la lutte politique dans sa circonscription. Les appels au vote stratégique étant souvent généraux, ils ne prennent donc pas en compte la réalité électorale de chaque circonscription. Ils nuisent alors aux chances d’élection de candidates de partis minoritaires, même là où le parti contre lequel se fait l’appel n’a aucune chance d’être élu. Ils peuvent même avoir l’effet inverse, soit donner la victoire à la formation politique que l’on cherche à contrer. Ces appels tendent aussi à discréditer les plus petits partis comme acteurs politiques sérieux, les excluant ainsi symboliquement du débat politique. Enfin, le vote stratégique a comme conséquence de concentrer une plus grande partie du financement public, basé sur les votes obtenus, dans les coffres des plus gros partis.

La raison d’être des partis politiques

Chaque parti existe parce que ses membres considèrent qu’il défend un projet politique et social qui lui est propre. Le vote stratégique n’étant pas comptabilisé, le parti élu fera la promotion de son propre agenda politique, même s’il a été possiblement élu grâce au vote stratégique. C’est pourquoi les pactes électoraux doivent aussi avoir des bases politiques pour fonctionner. Les électeurs et électrices d’un parti politique accepteront difficilement d’appuyer une autre formation s’ils n’ont pas la garantie qu’en le faisant, leur projet politique avancera. On peut donc croire qu’un pacte purement électoral entraînera un faible transfert de votes entre les partis concernés.

Plusieurs observateurs prétendent que le PQ aurait été majoritaire en septembre dernier si Québec solidaire n’avait pas existé. Il est évidemment impossible de savoir ce qu’auraient été les résultats en changeant les acteurs de la dernière élection. Par contre, force est de constater que les politiques mises de l’avant par le PQ sont différentes de celles de Québec solidaire. Par exemple, seuls Amir Khadir et Françoise David défendent la gratuité scolaire et la justice fiscale à l’Assemblée nationale. Et ce sont les 263 111 électeurs et électrices ayant voté pour QS en septembre dernier qui ont permis à cette vision politique d’être entendue. Ils ont aussi permis d’offrir un financement public à ce parti en émergence et de bien le positionner pour une victoire à la prochaine élection dans les circonscriptions de Sainte-Marie–Saint-Jacques, Laurier-Dorion et Hochelaga-Maisonneuve. H

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