No 27 - déc. 2008 / jan. 2009

Accord de partenariat Québec-Ontario

Le grand silence

Claude Vaillancourt

Vous ne le savez probablement pas, mais le Québec et l’Ontario négocient actuellement un « accord de partenariat sur l’espace économique ». Du point de vue des représentants de ces deux provinces, il s’agit d’une bonne nouvelle. Après tout, pourquoi ne pas « jeter les bases d’un espace économique plus fort au centre du Canada », comme le dit la propagande officielle ? Pourquoi ne pas « collaborer sur des enjeux importants tels que les changements climatiques, l’énergie et le transport [1] ? » L’expérience nous a cependant appris à nous méfier des accords commerciaux et des bonnes intentions qu’on leur prête. Et celui entre le Québec et l’Ontario a toutes les raisons de nous inquiéter.

Il a surtout l’inconvénient de vouloir s’inspirer du TILMA (Trade, Investment and Labour Mobility Agreement), accord conclu entre l’Alberta et la Colombie-Britannique qui a soulevé une vive opposition. Ce TILMA, au si joli nom, adopte les principes de base des grands accords commerciaux : il est d’abord et avant tout un puissant outil de déréglementation. Le TILMA reprend, avec un sans-gêne qui ne manque pas d’étonner, l’un des chapitres les plus contestés de l’ALÉNA. Comme dans le fameux chapitre 11, et en accentuant la chose, il permet aux entreprises – mais aussi aux individus – de poursuivre les gouvernements si ceux-ci, par des réglementations – le plus souvent conçues dans l’intérêt public –, créent des obstacles au commerce ou empêchent de réaliser des profits. Selon Stuart Trew, du Conseil des Canadiens, «  les décisions relatives aux différends qui relèvent du TILMA sont exécutoires et peuvent être accompagnées de sanctions s’élevant à des sommes pouvant atteindre cinq millions de dollars [2]. » Ce type d’accord est donc une atteinte profonde à la démocratie.

Il semble évident qu’une mobilisation est nécessaire pour le faire échouer. La Saskatchewan a d’ailleurs refusé de signer un tel accord, parce qu’il était trop dangereux pour la démocratie à l’échelle municipale. En Alberta et en Colombie-Britannique, le TILMA a été adopté à la sauvette et sans débat public. Le secret qui entoure les présentes négociations entre le Québec et l’Ontario a toutes les raisons d’inquiéter : ce futur accord s’imposera-t-il de la même manière, sans consultations publiques, alors que ses conséquences seront considérables pour les populations des deux provinces ?

Il faudrait donc souhaiter une vive réaction face à cet accord, et une grande vigilance, permettant de tenir les négociations à l’œil. Mais rien ne se passe, rien ne se dit sur cet accord à l’heure actuelle. Silence radio. Au grand plaisir de notre gouvernement qui, en absence de toute réaction de la société civile, pourra concocter une entente impeccable selon les vœux des grands patrons. En Ontario pourtant, une campagne est présentement menée auprès des municipalités et invite celles-ci à se prononcer contre l’accord.

Qu’attend-on alors pour réagir au Québec ? Pourquoi, face à ce nouveau TILMA, ne retrouvons-nous rien des mobilisations contre l’AMI, l’ALÉNA, la ZLÉA, l’AGCS, le PSP, série d’ententes aux patronymes abscons, qui ont pourtant suscité de nombreuses réactions ? À force de ne rien voir et de ne rien entendre, il est fortement possible que nous nous retrouvions avec un accord nuisible et encombrant, contre lequel nous devrons nous dépatouiller pendant d’interminables années.


[1Site du premier ministre du Québec, communiqué du 2 mai 2008.

[2Le Devoir, 20 mai 2008.

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