Le grand banquet. La suprématie de la cupidité et de l’appât du gain

Dossier : Sortir du capitalisme

Linda McQuaig

Le grand banquet. La suprématie de la cupidité et de l’appât du gain

lu par Christian Brouillard

Christian Brouillard

Linda McQuaig, Le grand banquet. La suprématie de la cupidité et de l’appât du gain, Écosociété, Montréal, 2004

Une vie par-delà le capitalisme

« Un autre monde est possible » clament de larges sections du mouvement antimondialiste. C’est dire que le capitalisme, tel que nous le connaissons, n’est pas l’indépassable de notre temps mais qu’il peut laisser la place à une nouvelle vie où l’économique serait remis à sa place. Utopie ? La prolifération des mobilisations face aux effets catastrophiques produits par le capitalisme ainsi que la persistance d’activités non-marchandes dans nos sociétés montrent bien toute l’actualité de cette recherche d’alternatives. Par ailleurs, ces résistances à la suprématie des marchés ont des racines historiques très profondes, remontant au-delà du capitalisme, à un moment (au Moyen-Âge par exemple) où la vie sociale était régulée par d’autres lois que celles strictement économiques.

C’est à partir de ces constats que se fonde le cœur de l’analyse de Linda MacQuaig dans son livre Le grand banquet. Dans un premier temps, elle démontre, souvent à partir d’exemples de la vie quotidienne, que le triomphe des marchés a généralisé un individualisme forcené où les valeurs dominantes tournent autour de la cupidité et du désir de possession, reléguant la recherche du bien commun et l’action collective à l’état d’archaïsmes. Cette culture de l’avidité est d’autant plus hégémonique que les États et les institutions internationales comme la Banque mondiale ou le FMI, par des accords internationaux ou régionaux (du type de l’ALÉNA), lui accordent une pleine légitimité.

Pourtant, cette domination de l’économique et de l’individualisme sur la totalité de notre vie ne peut pas être absolue, sinon l’ensemble de la société s’effondrerait immanquablement de par le manque de repères culturels aptes à fonder un certain ordre social. C’est cette thèse que Karl Polanyi (1886-1964), économiste, historien et philosophe hongrois, avait développée dans son ouvrage La grande transformation. À partir de l’exemple de la Révolution industrielle anglaise, il démontrait que l’utopie d’un vaste marché auto-régulé, orchestrant tous les aspects de la société, était inapplicable. Le capitalisme a pu se développer, selon Polanyi, essentiellement par le fait qu’il a été limité par deux ordres de régulation non-marchands : les réseaux de solidarité traditionnelle, issus des communautés paysannes et, plus tard, par la mise en place des politiques sociales.

Linda MacQuaig, à la suite de Polanyi, souligne par ailleurs que ces formes de régulation non-marchandes renvoient à d’importantes résistances contre l’implantation du marché capitaliste : résistances de la paysannerie contre la privatisation de la terre, résistances ouvrières contre l’exploitation, etc. À ces résistances des siècles passés font écho celles d’aujourd’hui. Le point commun entre elles, c’est qu’il est possible de vivre autrement et que l’humain ne se définit pas seulement comme Homo economicus mais également comme être social. S’il y eut une vie avant le capitalisme, il y en aura, espérons-le, une autre par-delà.

Karl Polanyi Institute of Political Economy

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