Dossier : Santé - État d’urgence

Dossier : Santé - État d’urgence

La tarification en santé

Un mauvais remède

Brigitte Doyon

Depuis le premier budget Bachand en 2010-2011, la menace d’un accroissement du recours à la tarification dans la santé se concrétise de plus en plus. Sous prétexte qu’il est urgent de trouver de nouvelles sources de financement afin d’assurer la pérennité du système, le gouvernement libéral a fait germer de nouvelles mesures tarifaires qui, si elles font le bonheur des think tanks de droite, sèment l’inquiétude dans les mouvements sociaux.

Une première source de préoccupation est la contribution santé. S’élevant à 200 $ par année par adulte à compter de 2012 (sauf pour certaines personnes à faible revenu), cette mesure s’avère dangereusement régressive. Elle impose un même montant pour tous et toutes, sans égard à la capacité de payer, et représente ainsi un fardeau autrement plus lourd pour certaines tranches de la population. De plus, on sait que cette contribution vise à alimenter le Fonds de financement des établissements de santé et de services sociaux. Or, ce fonds induit ni plus ni moins une concurrence malsaine entre les établissements puisque seuls les plus « performants » pourront en bénéficier. L’introduction de la contribution santé représente donc un glissement majeur vers l’application au public de principes idéologiques issus du privé.

Une autre mesure inquiétante, bien qu’elle ait été mise sur la glace (pour le moment !), est l’imposition d’une franchise santé. L’idée est simple : appliquer le principe de l’utilisateur-payeur en réclamant un montant d’argent aux patientes pour les consultations médicales faites au cours d’une année. Le prétexte invoqué ? Susciter une prise de conscience qui réduirait les « abus ». Pourtant, cette stratégie visant à diminuer les coûts aurait plutôt l’effet contraire : le manque de suivi et de prévention finit par générer des dépenses bien plus importantes que les économies escomptées.

D’autres exemples de mesures pourraient ici être relevés, mais la conclusion sera toujours la même : en plus d’être régressive, la tarification dans la santé illustre la volonté du gouvernement de gérer ce secteur comme s’il s’agissait d’une entreprise privée. Il applique des principes de gestion à courte vue selon une logique comptable, très loin de la solidarité, de l’équité, du bien commun et des principes qu’il se targue pourtant de suivre, à savoir l’accessibilité, la continuité et la qualité des soins et des services.

Plutôt que d’avoir recours à une telle stratégie, le gouvernement pourrait envisager d’autres options. Par exemple, pourquoi ne pas instaurer des pratiques qui assurent un meilleur contrôle du prix des médicaments ? Pourquoi ne pas éliminer le gaspillage de fonds publics en cessant de recourir à des entreprises privées dans certains services publics ? Ou pourquoi ne pas réinstaurer la progressivité des impôts des contribuables et des entreprises ? Pourquoi ne pas s’attaquer aux évasions dans les paradis fiscaux ? Ces propositions permettraient de renflouer les coffres de l’État de plusieurs milliards de dollars en allant chercher l’argent là où il se trouve. N’est-il pas vrai, après tout, que chacun et chacune doit faire sa juste part ?

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