No 07 - déc. 2004 / jan. 2005

Aide financière aux étudiants

Grève ou crève

par Antoine Casgrain

Antoine Casgrain

En même temps qu’il dit consulter la population sur l’avenir des universités (en février) et des cégeps (en juin), le gouvernement libéral enfonce le clou de l’endettement étudiant. Avec une coupure draconienne de 103 millions $ dans le système d’aide financière aux études, il tourne le dos au principe de gratuité universelle de l’éducation. De son côté, le mouvement étudiant essaie tant bien que mal de résister.

Le gouvernement du Parti libéral n’est pas allé à petits pas dans sa réforme des prêts et bourses. La coupure d’un tiers du budget de l’Aide financière aux études (AFE) signifie l’élimination du mot « bourses » dans ce qu’il était auparavant convenu d’appeler le régime des « prêts et bourses ». Prenons exemple sur une aide annuelle type de 5 000 $ : avant la coupure, un étudiant recevait en moyenne 2 400 $ en prêt et 2 600 $ en bourse ; dorénavant, un étudiant recevra en moyenne 4 700 $ en prêt et 300 $ en bourse ! Cela signifie que la dette moyenne d’un étudiant au Québec – pour deux ans de cégep et trois ans d’université – passera de 13 000 $ à 21 500 $ ! Mentionnons que 40 % des étudiantEs au Québec reçoivent de l’aide financière, proportion qui monte à environ 60 % pour les étudiantEs fréquentant les universités en région.

Cette coupure intervient en même temps qu’une réforme du système de prêts qui donne une plus grande responsabilité administrative aux institutions privées prêteuses. De plus, la réforme laisse craindre une libéralisation des frais de scolarité. Le calcul du prêt attribue une enveloppe précise pour couvrir les frais de scolarité. Une institution pourrait donc hausser à sa guise les frais de scolarité en renvoyant la facture sur le prêt étudiant.

Par ailleurs, le gouvernement libéral s’attaque au système collégial québécois. Les interventions du ministre Reid lors du Forum Collégial, en juin dernier, laissent craindre le pire. Bien qu’il soit resté flou, il ouvre grand la porte à une réforme de décentralisation dans les cégeps. Depuis plusieurs années déjà, et sous le précédent gouvernement péquiste, on parle d’habilitation et de diplôme institutionnel. Ces changements au système québécois permettraient à chaque institution d’attribuer ses propres diplômes et d’élaborer ses propres programmes.

Pour la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), qui fait partie de la Coalition Cégep, laquelle regroupe syndicats, associations étudiantes et comités de parents, la décentralisation est un danger pour la cohérence et la qualité de la formation. La décentralisation ne pourra plus garantir une formation équivalente dans tous les cégeps de la province. « Le cégep de Gaspé a dû couper son poste de réceptionniste récemment, explique Julie Bouchard, présidente de la FECQ. Il est clair qu’un cégep de Montréal n’a pas à assumer ce genre de contrainte. »

La grande campagne du mouvement étudiant s’enligne toutefois sur la question de l’Aide financière. Tous sont d’avis qu’il faut renverser totalement la coupure de 103 M$. La communication est rompue entre la FECQ et la FEUQ et le gouvernement. Rappelons que celles-ci ont claqué la porte du Forum des générations le 13 octobre 2004. « Le ministre n’était même pas capable de nous garantir qu’il n’y aurait pas d’autres coupures » explique Julie Bouchard.

Lors de ce même Forum, le 14 octobre, des étudiantEs ont manifesté bruyamment à l’extérieur du Campus Notre-Dame-de-Foy, à St-Augustin. La manifestation était organisée par l’Association pour une solidarité étudiante (ASSÉ). Plusieurs actions locales ont aussi été organisées tant par les associations étudiantes de toute allégeance. À l’UQAM, par exemple, on a rebaptisé le bureau de l’Aide financière en « Bureau de l’endettement ».

Au moment d’écrire ces lignes, deux manifestations étudiantes allaient avoir lieu : le 10 novembre, une manifestation organisée par la FECQ et la FEUQ, et la seconde le 19 novembre, organisée par l’ASSÉ. « C’est important de sortir le 10 novembre pour démontrer la représentativité de notre cause, montrer que les militants de la base sont concernés par ça », affirme Julie Bouchard.

La suite des moyens de pression laisse évidemment place à une grève étudiante. Dans ce sens, le Congrès de l’ASSÉ a adopté, le 24 octobre, le début d’un campagne de grève pour l’hiver prochain. Du côté de la FECQ, le congrès n’a pas mandaté encore la fédération d’entreprendre une campagne de grève. Toutefois, on assure qu’aucun moyen de pression n’est écarté. Le débat est donc lancé au sein des associations étudiantes.

Xavier Lafrance croit de son côté que la campagne de grève doit se travailler à l’avance, sans tergiversation. « La grève peut partir spontanément, on l’espère ! Mais, il ne faut pas s’y attendre. Pour lancer un mouvement, ça prend des discussions dans les cafés étudiants, de la distribution de journaux, il faut stimuler la tenue d’assemblées générales. C’est ce que l’ASSÉ tente de faire. Une grève, c’est pas quelque chose qui se décrète, d’ailleurs c’est peut-être une leçon à retenir de l’année dernière. »

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