Grande école : récits d’apprentissage

No 49 - avril / mai 2013

Clément de Gaulejac

Grande école : récits d’apprentissage

Édith Brunette

Grande école : récits d’apprentissage, Clément de Gaulejac, Le Quartanier, Montréal, 2012.

Grande école : récits d’apprentissage résume en quatre mots l’essence de son propos, soit la rencontre de l’apprenti dans ce qu’il a de malléable et de l’institution dans ce qu’elle a de grandiose. Dans ce qu’elle a de figé, également. D’autant, peut-être, que l’auteur est d’origine française et que l’école en question est celle des Beaux-arts, avec toute l’aura de tradition qui lui est associée.

Prenant le contre-pied de la prétention qui tend à régner dans le milieu des arts, a fortiori des beaux-arts, Clément de Gaulejac adopte cette forme littéraire de réputation moins que noble qu’il nomme lui-même « anecdote ». Celles-ci s’enchaînent, allant de quelques lignes à quelques pages, émaillées de dessins de l’artiste qui n’en sont pas les illustrations, mais des sortes de contrepoints. Les récits sont ceux des années d’école de l’auteur, dans lesquels se croisent des contextes divers, mais rarement nommés, où l’on devine autant le service militaire que l’emploi d’été. De Gaulejac y devient une sorte de Candide, observant les manifestations les moins éclatantes, mais néanmoins révélatrices des systèmes où il évolue : les limites qui les encadrent, les postulats qui les maintiennent, les postures qui les justifient. Ainsi, l’indiscutable autorité du professeur qui juge de ce qu’est le bon art :

« … il ouvrit mon dossier sur les gravures : qu’est-ce que c’était que cela ? Je bredouillai quelques arguments sur mes recherches artistiques du moment qu’il interrompit, navré. S’il ne connaissait pas déjà mes « autres dessins », affirma-t-il, il aurait vraiment l’impression d’avoir embauché un incapable. (…) Sur le coup, ni jamais par la suite, je n’ai osé lui demander à quels autres dessins il faisait référence.  »

Routine disciplinaire, négociations humaines et tentatives artistiques se succèdent, chacune exposant son lot d’arbitraire, d’absurdité et de drôlerie. À l’interchangeabilité des contextes s’ajoute celle des personnages, jamais nommés, remplacés par les pronoms « je », « nous » ou « ils », ou encore par ces « Chefs » qui reviennent d’une histoire à l’autre. On les devine alternativement professeurs de Beaux-arts, moniteurs de camps de vacances ou instructeur de judo, sans que cela ne soit ni spécifié, ni important. Car ils n’indiquent que les motifs du pouvoir qui se répètent d’une organisation et d’une relation à l’autre, d’un âge à l’autre, et avec lesquels le narrateur tente de composer, entre perplexité, critique et soumission. Bref, Grande école est le récit d’apprentissage d’un jeune artiste, mais qui pourrait être celui de n’importe quel idéaliste confronté aux exigences des institutions et du hasard, au jeu du compromis, mais aussi - surtout - à la recherche de voies de contournement.

Thèmes de recherche Education et enseignement, Livres
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