Dossier : Le Saint-Laurent en (…)

La voie navigable

Fini les cargos sur le fleuve

Sophie Vaillancourt

Pour ce qui est de l’avenir de la voie navigable du Saint-Laurent et de la voie maritime des Grands Lacs, il est impossible de savoir réellement ce qui en est des projets des gouvernements canadien et états-unien. Et selon Marc Hudon, de Nature-Québec, qui s’intéresse au dossier depuis de nombreuses années, des deux côtés de la frontière le processus d’étude et de décision est tout sauf transparent.

Difficile de savoir ce qui se trame. En novembre 2007, sept ministères et organismes canadiens et états-unien ont rendu public le rapport final de l’Étude des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent. Selon Marc Hudon, la société civile a été exclue des travaux d’évaluation et des discussions et a été confinée à une rencontre annuelle d’information. L’étude examine les besoins d’infrastructure du réseau des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent pour la navigation commerciale. On y traite notamment des conséquences sur le plan technique, économique et écologique. « Nulle part dans le rapport on ne peut lire que le projet d’agrandissement de la voie navigable est mort à jamais », précise-t-il.

Moratoire sur la navigation

Dans le milieu, on insiste à valoriser le transport maritime. Par contre, la question d’un moratoire sur la navigation des cargos commerciaux océaniques dans le fleuve fait aussi son chemin. L’idée est de limiter la circulation sur les eaux intérieures à des barges conçues selon les caractéristiques du fleuve et des Grands Lacs. En 2005 et en 2007, le chercheur américain John C. Taylor (Grand Valley State University) et James L. Roach (président de JL Roach inc.) ont mené une étude en deux volets sur les coûts du transport des marchandises par les cargos océaniques sur le fleuve et les Grands Lacs. L’étude vient en appui à cette idée.

La navigation internationale sur le fleuve entraîne une dégradation écologique qu’ils chiffrent à long terme entre 200 et 500 millions de dollars, notamment en raison des espèces exotiques introduites dans les Grands Lacs par les eaux de ballasts des navires. Autres coûts, leur taille qui demande l’élargissement de la voie maritime. Un élargissement qui laisse déjà entrevoir ses limites. Les chercheurs se sont attardés sur les principales marchandises transportées par les cargos océaniques, les grains, l’acier, les produits chimiques, les produits miniers et le sucre. Leurs recherches détaillent les coûts qu’engendrerait l’arrêt de leur navigation sur le fleuve au profit d’un transport intermodal qui ferait intervenir le train et les barges de lac.

Transport intermodal

Selon leurs chiffres, un transport intermodal des produits occasionnerait une augmentation de 1 à 5 dollars la tonne de marchandises pour une somme totalisant 55 millions de dollars. Mais en favorisant les ports océaniques et le développement de ports à l’embouchure du fleuve, la taille des bateaux n’est plus une contrainte. Elle serait même plutôt le contraire. Plusieurs études en la matière ont été menées depuis 1985 et toutes arrivent à des résultats semblables. Même le U.S Army Corp of Engineers, listé parmi les protagonistes de l’Étude des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent, avait conclu au début des années 2000 qu’en ce qui concerne les grains en provenance de Duluth aux États-Unis, le train serait plus économique.

Avec les limitations du transport qu’entraîne l’hiver, les problèmes de pollution liés aux particules en suspension et à l’anhydride sulfureux (SO2), ainsi qu’aux pertes économiques engendrées par les espèces envahissantes et l’érosion des berges, en plus du problème qui commence à émerger concernant la taille du chenal maritime, on peut se demander maintenant qui est-ce qui pousse à ce que l’on continue à permettre la circulation des cargos océaniques ?

Pour en savoir plus :

• Taylor, John C. et James L. Roach, Ocean Shipping in the Great Lakes : Transportation Cost Increases That Would Result from a Cessation of Ocean Vessel Shipping, août 2005.

• Taylor, John C. et James L. Roach, Ocean Shipping in the Great Lakes : An Analysis of Issues, octobre 2007.

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