Démocratie contre capitalisme

No 11 - oct. / nov. 2005

Thomas Coutrot

Démocratie contre capitalisme

lu par Christian Brouillard

Christian Brouillard

Thomas Coutrot, Démocratie contre capitalisme, La Dispute, Paris, 2005, 236 pages.

Le retour de l’autogestion

Nous vivons une époque paradoxale. Alors que les dirigeants de la planète, George Bush Jr en tête, ne cessent de proclamer que la démocratie est en pleine expansion, jamais n’avons-nous autant assisté à un approfondissement de la désaffection des populations envers le spectacle démocratique, celle-ci se traduisant par de fortes abstentions aux élections ainsi qu’un sentiment d’impuissance et de dégoût face à la classe politicienne. Pour Thomas Coutrot, économiste et membre d’ATTAC, dans son ouvrage Démocratie contre capitalisme, ce paradoxe n’est qu’apparent. De fait, si les formes de la démocratie représentative se sont répandues de par le monde, favorisées souvent par les multiples interventions de l’impérialisme américain, ce cadre formel se vide de tout contenu sous l’impact des politiques néolibérales.

Ces dernières représentent la réponse que le patronat et ses idéologues ont élaborée pour surmonter la crise de contrôle social que le système a subie au cours des années 60 et 70. En arrimant étroitement les prises de décision aux intérêts des entreprises, via les privatisations, dérèglementations et dérégulations, le néolibéralisme a subordonné le politique à des instances essentiellement non-démocratiques. Par ailleurs, les stratégies du capital en vue de « flexibiliser » les salariées (précarisation, multiplication des statuts, délocalisations, etc.) conduit à briser les anciennes solidarités de classe et les communautés, aggravant d’autant le sentiment d’isolement et de perte de repères, créant un terrain propice aux intégrismes de tout poil et aux politiques « sécuritaires ». La naissance du mouvement altermondialiste, à la fin des années 90, a certes permis de voir un acteur, multiforme et international, contester l’hégémonie du capital. Cependant, cet acteur, à cause de sa pluralité, est très hétérogène et traversé de contradictions : pour certains groupes ou ONG, il s’agit d’humaniser et de réguler le capitalisme ; pour d’autres, il s’agit de carrément sortir de ce mode de production.

Selon Coutrot, l’élément fondamental qui se dégage malgré tout des diverses pratiques du mouvement altermondialiste, c’est une volonté de remettre l’économique au pas, de le soumettre à une logique démocratique qui, ultimement, puisse déboucher sur une réactualisation du projet autogestionnaire [1]. L’autogestion constitue une extension de la démocratie dans la sphère économique, permettant de revivifier les structures représentatives. Encore faut-il reprendre le débat, laissé en plan durant les années 80 au moment où le néolibéralisme monopolisait le champ idéologique, pour débroussailler ce que l’autogestion, pratiquement, peut signifier. Entre le « socialisme de marché » et l’économie participative (promue entre autres par Michael Albert), Coutrot penche vers un socialisme autogestionnaire qui articulerait Plan (intervention de l’État), marché et autogestion. Il va de soi que pour l’auteur, les idées de Plan et de marché doivent être radicalement repensées dans le sens de laisser la plus large place à la participation populaire. Comme il conclut lui-même : « le seul clivage pertinent, dans la gauche internationale, sépare ceux qui veulent aménager l’actuel ordre néolibéral (...) de ceux qui visent de nouvelles avancées démocratiques recherchant la participation active des citoyens aux décisions qui les concernent... ». C’est dans le retour de l’autogestion que pourront se réactualiser la démocratie et le socialisme, seule alternative à la barbarie néolibérale capitaliste.


[1Voir le dossier « Sortir du capitalisme », À bâbord !, No. 6, Oct.-Nov. 2004.

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