Dossier : Le droit à la ville

Pour l’essor du monde rural

Décentraliser de façon responsable

par Jacques Proulx

Jacques Proulx

Lancée comme mot d’ordre voilà plus de 30 ans, la décentralisation s’imposait alors comme un des enjeux majeurs du XXe siècle, du moins le disait-on. Déjà en 1991, les mémoires déposés et les témoignages entendus lors des audiences de la Commission Bélanger-Campeau laissaient entrevoir un large consensus sur la nécessité d’un Québec décentralisé. Quatre ans plus tard, les recommandations de la Commission nationale sur l’avenir du Québec rappelaient l’importance de la décentralisation comme fondement d’une organisation politique.

Aussi, lors des États généraux du monde rural tenus en 1991, les signataires de la déclaration finale s’engageaient à promouvoir les éléments spécifiques à la base de l’édification de la nouvelle ruralité, au nombre desquels se trouvaient : la prise en charge par le milieu de son avenir, le respect et la promotion des valeurs régionales et locales, la concertation des partenaires locaux et régionaux et le rééquilibrage des pouvoirs politiques du haut vers le bas. Bref, on sentait une prise de conscience, par des cercles toujours plus larges, de la nécessité d’une action décentralisatrice. Solidarité rurale du Québec (SRQ) s’est ainsi créée dans un mouvement favorable aux valeurs démocratiques et à l’appropriation par les communautés des leviers de leur développement, mouvement qui ne s’est pas démenti au cours des 15 dernières années.

Or, nous avons changé de siècle, la décentralisation est toujours en discussion, mais son application généralisée tarde à venir. Pourtant, plus que jamais, nous sommes convaincus qu’elle est une nécessité pour le monde rural et nous ne sommes pas seuls. Pourquoi alors sommes-nous collectivement si loin du but ?

Je sais d’expérience qu’il vaut mieux connaître tous les aspects d’un changement de l’ampleur de la décentralisation avant de se lancer dans l’action. Dans l’aventure de la décentralisation, les écueils sont nombreux, d’où une certaine prudence légitime. Mais les possibilités le sont également. Car, soyons clairs, le parti pris de notre coalition en faveur d’une décentralisation démocratique est toujours intact, voire renforcé. Chaque jour à Solidarité rurale du Québec, nous constatons les aberrations que crée dans nos villages l’application mur à mur des programmes. Nous nous époumonons à vanter les mérites d’un développement territorial intelligent, mais force est de constater qu’il manque encore et toujours aux communautés des pouvoirs qui leur permettraient de sortir du maternage étatique et d’assumer pleinement leur développement. Comprenons-nous bien. La décentralisation n’est pas une panacée. C’est au contraire une lourde responsabilité qui incomberait aux élues locaux. Il sera toujours plus facile de dire que c’est la faute d’un autre si les choses ne vont pas bien. Nos élues locaux auraient besoin d’une grande préparation si, d’aventure, notre société se décidait enfin à mettre en marche ce grand projet. Mais c’est néanmoins dans cette responsabilisation que réside l’avenir des milieux.

Au gouvernement du Québec, nous disons : décentraliser ne veut pas dire déconcentrer, régionaliser, pelleter, ou se désengager ! Décentraliser de façon responsable doit signifier pour le gouvernement écouter, faciliter, accompagner, soutenir y compris financièrement les communautés dans ce vaste et complexe processus de réappropriation. Cela veut dire en termes clairs que le gouvernement doit mettre de l’avant des orientations assorties de repères précis vers les transformations requises pour remodeler la gouvernance tant dans le fond que dans la forme.

Car il faut être conscient que décentraliser revient ni plus ni moins à ajouter aux juridictions actuelles des élues des communautés rurales des responsabilités économiques, environnementales, humaines et sociales. Il y a lieu en clair de leur permettre de trouver solidairement, par elles-mêmes et pour elles-mêmes, des solutions viables, vivables, dignes et conformes à leur réalité.

Il est temps pour le gouvernement et pour l’ensemble des instances régionales et locales de mettre en pratique leur discours en faveur de la décentralisation qui, en principe, va de pair avec la modernisation de l’État.

Il faut en effet aller plus loin que les discours tenus par exemple lors du Forum des générations et le leurre de la déconcentration et oser lancer une ambitieuse politique de décentralisation, et surtout l’arrimer à la Politique nationale de la ruralité, qui a si bien servi le monde rural au cours des dernières années. Cette décentralisation est appelée par les acteurs ruraux, elle est souhaitée par les élues des communautés et répondrait avantageusement aux attentes latentes des populations.

Aux communautés maintenant de prouver aux théoriciens qu’il y a davantage de possibles dans l’action quotidienne sur le terrain que dans toutes les théories !

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